Forêt d’Allier, novembre 2014.

Le son rythmé et crépitant de mes pas foulant le sol jonché de feuilles mortes hypnotise ma marche. Cela me fait du bien malgré les ampoules qui frottent contre mes bottes. La forêt est si belle, si magique en cette saison. En cours de chemin, je suis saisie par un parfum enivrant, mélange complexe de terre mouillée, de cèpes juste éclos et de châtaignes fraîches.

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Il y aussi cette odeur animale, musquée et figée dans l’air sur quelques mètres, indiquant la présence probable d’un cervidé. Un craquement de branche soudain… Dans un cadre de lumière dessiné par le contour des arbres, je perçois au loin une biche qui traverse le bois. Transcendance des sens dans cet espace sauvage en pleine transformation.

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J’ai beaucoup marché durant ces derniers mois. J’ai hâte de pouvoir me poser, me déchausser et m’installer confortablement, les yeux dans le vide, face à un feu de cheminée. Bientôt, j’aurai rejoint la petite maison nichée au coeur de la forêt, celle que j’avais abandonnée à regret depuis le printemps. Après une heure de marche, je la distingue enfin au loin et prends le temps de m’arrêter pour observer le miroir qu’elle forme sur l’étang. Quelle est jolie dans cet écrin de verdure ! De la mousse verte en forme de pompons a recouvert un peu la toiture et d’épaisses toiles d’araignée se sont formées sur les volets céladon. La nature a repris ses droits, c’est bien, c’était nécessaire.

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En poussant la porte d’entrée, je découvre sur la petite console une pile de lettres. L’obscurité de la seule et unique pièce de vie, la cuisine, m’invite à ouvrir les volets et allumer quelques bougies. Pas un bruit. Juste une belle lumière auréolée qui m’évoque à cet instant un nid cotonneux et réconfortant. Je m’installe sur le fauteuil en osier, retire mes bottes, puis, lis attentivement mon courrier. J’y découvre que des mots gentils, me demandant des nouvelles, des conseils sur des recettes ou la date d’un retour dans cette Cuisine Campagne.

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Le jour commence à décliner, il est temps de lancer un feu de cheminée pour réchauffer cette maison laissée trop longtemps à l’abandon. Dehors, l’espace se pare d’un voile doré, c’est la golden hour. Comme elle ne dure que quelques minutes, je me pose pour observer cette magie de l’instant où tout scintille, où tout semble possible. Je pars ensuite glaner des écorces de bouleau et du petit bois pour amorcer ma flambée et réfléchis à la façon dont je pourrais répondre aux personnes qui m’ont attendue, un peu. Je me dis que je pourrais leur montrer des photos de nature pour les faire patienter…

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Leur confier que le travail d’auteur désocialise parfois, surtout quand on travaille sur des projets aussi compliqués que passionnant ; leur faire comprendre que la vie personnelle et familiale passe avant tout et qu’il est difficile de garder le feu sacré à la fois au travail, en amour et en société. Je pourrais leur dire aussi qu’en aménageant cette cuisine virtuelle en 2006, je me suis fait la promesse de toujours faire les choses avec envie et inspiration, sans contrainte de temps, de quantités et de résultats statistiques. La société nous impose trop de choses comme ça. Mettre ses terres en jachère, partir pour mieux revenir, lâcher prise… et si c’était ça le secret du bien-vivre ?

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Noyée dans mes pensées, j’observe le feu de cheminée. Il est bien parti, crépite, émet des étincelles, forme des flammes ondulantes et inonde la petite maison de chaleur et de lumière. J’arrache la page d’un cahier, prends un stylo et commence à écrire des mots qui glissent comme une feuille portée par les flots d’une rivière. Il y a tant de choses à écrire, à partager ! La passion, la créativité et l’envie peuvent renaître, à l’image d’une petite braise, pour peu que l’on ait pris soin d’elle….

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Après avoir terminé ma lettre, je lève le nez en direction de la fenêtre et constate que la nuit est tombée désormais. A la lumière de la lune, on distingue les esquisses fantomatiques d’une nappe de brouillard recouvrant l’étang et les abords de la forêt. Au loin retentit un râle rauque et étouffé. Un sanglier, un cerf ? Non, probablement un daim, la saison des amours touche presque à sa fin, de même que l’été indien. J’installe dans l’âtre de la cheminée une plancha en fonte en vue de préparer du pain plat. Il accompagnera à merveille la poêlée de cèpes grillés et le camembert rôti. Que j’aime Cuisiner avec le feu

A bientôt chers lecteurs, merci pour tous vos messages, je reviens très bientôt !