lundi 12 octobre 2009
Jambon aux œufs durs du Morvan
Plus le temps passe, plus je deviens exigeante en matière de recettes. Afin d'ouvrir mes horizons culinaires, et les vôtres par la même occasion, je recherche régulièrement des recettes rares, authentiques, griffonnées à la va-vite sur une feuille, issues d'une tradition familiale ou chargées d'histoire. Je pense notamment aux blinis de Mira, à la soupe à l'oignon de maman, au sublime cake au chocolat de Maja... Souvent absents des livres de cuisine, je les classe dans ma rubrique imaginaire des recettes extraordinaires. Lorsqu'un collègue de mon homme-ours m'a donné cette recette de sa mère, j'ai eu le sentiment d'avoir trouvé une sacrée pépite. "C'est un talon de jambon cru cuit lentement avec un pied de veau, une garniture aromatique et des oeufs durs. On effiloche ensuite la viande et on la prend en gelée dans une terrine. C'est drôlement bon !", me confia Jean-François, bûcheron de métier. Étant donné son gabarit, nul doute qu'il a été nourri avec l'amour et le talent qui caractérisent les cuisinières d'antan. Ce type de plats me donne toujours un sursaut de motivation. Simple à réaliser, économique, nourrissante, cette terrine morvandelle est une merveille de fraîcheur et de goût que je voulais vous faire découvrir absolument...
Une recette née dans un terroir rude
Le jambon aux oeufs du Morvan s'inscrit dans la pure tradition gastronomique de cette province nichée au coeur de la Bourgogne. Le climat de cette zone semi-montagneuse, caractérisé par de fortes précipitations, des automnes et des hivers longs et rigoureux, a poussé les hommes et les femmes à s'alimenter richement. Par conséquent, les recettes étaient majoritairement élaborées à partir des produits de la ferme (boeuf, cochon, volailles, oeufs, fromage blanc...) et avaient pour vocation de tenir au corps. Le jambon du Morvan, les terrines morvandelles, la potée bourguignonne, la galette aux griaudes (brioche salée au lard) et le crapiau morvandiau (crêpe au lard) soulignent l'importance du porc dans l'alimentation paysanne. Et d'ailleurs, il semble que cela réussissait particulièrement aux femmes. A partir du XIXème siècle, elles étaient considérées comme les meilleures nourrices de France. Pas moins de 50 000 enfants venant de l’Assistance Publique ou de familles aisées ont été allaités par les morvandelles. Cette pratique n'existe plus depuis 1920, mais elle a permis d'asseoir la réputation du Morvan.
L'art d'accommoder un reste de jambon cru
La recette propose de cuire le talon d’un jambon cru qui comporte plus de graisse et de tirailles, de le cuire longtemps et à feu doux pour l‘attendrir, comme du petit salé. De nos jours, rares sont les familles à tuer encore le cochon, à préparer ses jambons maison. Mais il se peut que vous ayez dans votre garde-manger un jambon cru acheté au marché et déjà presque terminé.
Pour ma part, je me suis directement renseignée auprès de mon boucher qui m’a demandé de patienter quelques jours encore. Grâce aux clients qui lui ont acheté de fines tranches de jambon de Bayonne toute la semaine, j’ai pu bénéficier du talon vendredi dernier. Vous comprenez que cette recette se prévoit à l’avance mais qu’importe, le plaisir de préparer et déguster cette terrine est encore meilleur !
Le pied de veau, c’est obligé ?
Oui et ne vous défilez pas ! C’est l’ingrédient qui va permettre au bouillon de gélifier. Évidemment, vous pouvez le remplacer par des feuilles de gélatine (la recette en ajoute tout de même deux dans le bouillon chaud pour bien solidifier la terrine), seulement, il apporte un goût rustique tellement exquis qu’il serait dommage de faire l’impasse.
J’admets que le blanc peton du petit veau intimide, mais si je vous dis qu’il faut simplement le mettre dans le bouillon, que vous n’aurez pas à le toucher, le désosser, le découper en petits morceaux, l’ajouter dans la terrine, cela vous va ? Même si la recette ne le précise pas, les amateurs de ce morceau canaille pourront en ajouter éventuellement au jambon effiloché.
Un détail insolite…
L’ajout d’œufs durs (écalés bien entendu) dans le bouillon peut sembler étrange - ils sont déjà cuits, pourquoi les recuire pendant 2 heures avec le jambon ?. Et puis, en relisant de nouveau les étapes de la recette, j'ai vu que le bouillon de jambon et de pied de veau permettait de les parfumer. J’avoue que je m’en suis aperçu un peu tard et que les œufs que vous voyez sur la photo n’ont cuits que 30 minutes !
Rien de grave, car au final, le résultat visuel et gustatif était au rendez-vous. Ce midi, j’ai dégusté deux belles tranches de cette terrine, avec des poireaux vinaigrette. Il ne m’en fallait pas plus pour être au paradis.
Ingrédients pour 8 personnes
800 g de talon de jambon cru (de Pays, de Bayonne…) - 1 pied de veau avec l’os - 5 œufs - 2 petites carottes - 1 oignon - 4 clous de girofle - 6 baies de genièvre - 2 feuilles de gélatine
Temps de préparation : 1 heure
Niveau : facile
Coût : économique
1. La veille, faites dessaler le talon de jambon cru pendant 12 heures en le disposant au réfrigérateur dans un saladier rempli d’eau froide.
2. Le lendemain, rincez le pied de veau à l’eau froide.
3. Épluchez les carottes, lavez-les et coupez-les en rondelles.
4. Épluchez l’oignon et piquez-le avec les clous de girofle.
5. Faites cuire les œufs pendant 10 minutes dans une casserole d’eau bouillante. Puis, cassez-les quand ils sont encore chauds et placez-les dans un saladier rempli d’eau froide. Retirez les coquilles. Piquez les œufs durs avec une fourchette pour qu’ils s’imprègnent du jus de cuisson du jambon.
6. Mettez le jambon dessalé, le pied de veau, les œufs durs écalés, les légumes et les baies de genièvre dans une grande marmite que vous recouvrirez d’eau froide non salée.
7. Portez lentement à ébullition et écumez de temps en temps. Laissez cuire pendant 2 heures, jusqu’à ce que le jambon devienne bien tendre.
8. Égouttez les ingrédients au dessus d’un saladier pour récupérer le bouillon. Disposez le jambon sur le plan de travail. Coupez-le grossièrement pour qu’il refroidisse.
9. Faites tremper les feuilles de gélatine dans un bol d’eau froide. Mesurez 500 ml de bouillon. Quand elles sont bien souples, incorporez-les au bouillon encore chaud. Réservez.
9. Récupérez ensuite les morceaux de chair tout en retirant les morceaux de gras. Effilochez le jambon finement avec une fourchette.
10. Recouvrez une terrine de papier sulfurisé. Disposez une première couche de jambon effiloché (environ 1 cm), incrustez les œufs durs et recouvrez-les avec le reste de jambon. Glissez vos doigts de part en d’autre pour que le jambon se répartisse uniformément dans la terrine.
11. Versez doucement la gelée encore liquide dans la terrine. Placez-la au réfrigérateur pendant 12 heures avant de déguster. Découpez ensuite en tranches épaisses.
D’autres recettes par ici !
Terrine de foies de volailles aux canneberges, pistaches et maniguette
Commentaires
J'ai découvert votre site par l'intermédiaire d'une amie. Je suis une piètre cuisinière... mais vos recettes me donnent envie de me lancer !! Entre le jambon aux oeufs durs du Morvan et la Beurrée, il va falloir faire un choix ! Du gras avant l'hiver oui... mais attention... j'essaie d'arrêter de fumer !!! Je vais tout de même essayer une des deux recettes.......
— patricia, le 12 octobre 2009 à 18:49Comme d'habitude Lilo, tu nous proposes une recette géniale qui me tarde de tester. Les photos sont splendides et donnent encore plus envie de goûter à cette terrine. Intéressante l'anecdocte sur les nourrices du Morvan !
— Cécile, le 12 octobre 2009 à 20:14Terrible! Je ne connaissais pas cette version. Je pratique le classique jambon persillé bien meilleur fait maison qu'acheté et de surcroit très facile à faire. J'utilise aussi un pied de veau mais que je demande au boucher fendu.
— arts de vivre(s), le 12 octobre 2009 à 21:48Quand notre jambon sera fini( presque!) je tenterai cette recette. Nous avons gouté cette année le plaisir du jambon cru maison, sur les conseils du grand-père de mon homme qui est quasi morvandiaux;-)
Encore un plat à tester! je m'interroge sur le devenir d'œufs durs écalés qui cuisent encore 2h dans le bouillon: restent ils "œufs"??? quant au pied de veau mijoté longuement dans de la joue de bœuf ou ce genre de plat, c'est le régal de ma moitié! donc pas de question à se poser.
— NIC, le 13 octobre 2009 à 16:18LILO, bon mercredi pour ta séance d'écriture car je sais que ton cœur parlera pour dédicacer ton livre : ils ont de la chance les gens de "ton pays"!!
Bravo lilo pour la nouvelle version de ton site. C'est très réussi.
Ta photo de pied de veau m'a procuré une bizarre de sensation..... Bon tu me diras, une côte c'est aussi une partie du corps du veau... mais le pied est plus facilement identifiable. Je crois que je serais très mal à l'aise de cuisiner ça.
Encore bravo et à bientôt!
— Frédérique, le 13 octobre 2009 à 17:41Décidément nos billets se suivent... et se ressemblent... Ta terrine est superbement gourmande. Plus ça va plus je pense qu'il est important de remettre en course les traditions de sa région, dussent-elles être revues et corrigées au goût et aux techniques du jour (là est le challenge et le plaisir du cuisinier)
— J_M_, le 14 octobre 2009 à 11:36@+
JM
Tu crois que çà fonctionne avec un pied de porc (mais je crois qu'il n'est pas aussi gélatineux) ? J'ai du mal avec le veau... Ou alors, je crois avoir lu quelque part qu'on pouvait aussi utiliser de la couenne de porc... Tu en penses quoi ?
— Gwen, le 15 octobre 2009 à 14:24En tout cas, je suis encore sous le charme :)
Adorable la photo du pied de veau. Jolie terrine, gourmande, si gourmande.
— gracianne, le 15 octobre 2009 à 15:08Patricia : ah si tu arrêtes de fumer, il faut en effet faire attention à ce que tu manges ! Mais ne te restreint pas trop tout de même, il faut bien profiter des bonnes choses.
Cécile : merci !
Art(s) de(s) vivre(s) : on peut en effet demander au boucher de fendre le pied de veau en deux pour que la gélification se fasse mieux (plus de chair et d'os exposés à la cuisson).
Nic : oui c'est étonnant cette cuisson des oeufs et c'est ce genre de détail insolite qui me plaît dans les recettes ;)
Frédérique : je suis contente que la nouvelle version du site te plaise. Il y a encore du boulot...
J-M : oui les grands esprits se rencontrent ;) si la cuisine du terroir reste encore à la mode, c'est bien parce qu'elle est délicieuse.
Gwen : Ecoute, je pense que le pied de porc peut convenir car on l'utilise pour gélifier les bonbons industriels... Je peux demander à mon boucher la différence avec le pied de veau mais je ne vais pas le voir avant la semaine prochaine. Je te tiens au courant dès que j'en sais plus ;)
Gracianne : merci :)
— Lilo, le 15 octobre 2009 à 21:53en fait je suis pas du fan de ça. Mais c'est ton travail bien mis en valeur avec les photos qui m'épate!
— lauresophie, le 16 octobre 2009 à 08:37Oui Lilo, le paradis n'est jamais très loin lorsqqe l'on teste tes recettes !
Je suis comme Nic, intriguée par la tenue des oeufs.
Et puis tu m'as mis de bonne humeur : tu m'as encore appris quelque chose et j'aime bien !
— mimizen, le 16 octobre 2009 à 08:44Ohlalala, je suis d'accord qu'il y a un certain talent, mais pour moi, ce ne sera pas possible...
Félicitations pourles photos!
— Balou, le 16 octobre 2009 à 11:16Tu as raison il faut profiter des bonnes choses !! Pour le tabac je tiens le coup. J'habite en Corrèze, j'attends mes enfants (du Mans)... et vais leur concocter une de tes recettes .... avec de bons produits !
— patricia, le 16 octobre 2009 à 21:03moi aussi je pense que ce genre de recettes soient un savoir rare pour le tas de traditions et de vies que les accompagnent, mais c'est toujors plus difficile les trouver.
— daniela, le 17 octobre 2009 à 09:39Heuresement nous avons la possibilité de profiter de ton flair de Scerlock Holmes culinaire et de partager tes découvertes ;)
Bonsoir,
Je vais devoir patienter pour faire cette recette, j'ai demander à mon mari de me mettre de côté un talon de jambon dès qu'il aura fini celui que nous avons en stock!! Il fait super froid dans les plaines en ce moment, alors c'est le genre de recette consistante qui me va bien!
— Marlou, le 18 octobre 2009 à 23:29Pour ce qui est de faire "mijoter" l'oeuf 2/3heures dans le bouillon, je confirme qu'il ne se décompose pas ( c'est solide ce petit truc...) , parceque dans ma famille, on fait un plat vietnamien à base de poitine de porc, bambou, caramel, Nuoc mâm et oeuf dur qui mijote longtemps, l'oeuf prend alors toutes les saveurs du bouillon, et c'est un plat qui est bien meilleur réchauffé...
Voilà!
Bonne soirée
Marlou, merci de tes précisions aussi, en réfléchissant, ne faut il pas laisser les œufs dans leur coquille??? et ne les écaler qu'à la fin de la cuisson?
— NIC, le 19 octobre 2009 à 14:32Merci Marlou ;)
— Lilo, le 19 octobre 2009 à 15:21Nic, il faut bien écaler les oeufs et les piquer avec la fourchette avant de les plonger dans le bouillon ! Je sais que c'est très intrigant mais je t'assure que les oeufs tiennent et ne deviennent pas caoutchouteux.
Que c'est joli et que ça paraît bon! c'est rigolo ce petit oeuf dur qui se montre comme ça me fait penser au pâté de Pâques, lui aussi de chez toi!
— jolieplantebleue, le 19 octobre 2009 à 17:16Bonjour Lilo,
bravo pour cette recette moins consensuelle...
— campagne, le 20 octobre 2009 à 19:21Il est parfois délicat de garder le jaune bien au centre de l'oeuf, je vois que sur ta photo c'est parfait !
Tu as peut-être une astuce ?
Tous simplement magnifique tu viens par l'intermédiaire de tes photos, mais également de ton récit me donner l'envie de passer un week end chez ma belle grand mère qui prépare cette recette comme un cordon bleu.
Merci encore.
— Mutuelle, le 21 octobre 2009 à 10:56Cette recette m'a donné des frissons et des souvenirs d'enfance ont ressurgi!
— Mamy2yumi, le 25 octobre 2009 à 23:05Je ne connais pas cette recette, mais elle va aller dans mon cahier, sans aucun doute!
Et il me tarde que la saison des pèles-porcs reviennent pour demander des pieds de cochons en vinaigrette à ma maman!
week-end pluvieux..idéal pour se lancer dans ce genre de cuisine.
J'ai utilisé 2 pieds de cochons: après avoir épuisé tous les bouchers du marché, aucun n'avait de pied de veau. Mon boucher poète m'a dit que le pied de porc ferait le même effet, mais m'en a conseillé 2. J'ai aussi remplacé la gélatine par une cuillère d'agar agar que j'ai donc fait bouillir 30s...
et les 3 hommes de la maisons ont apprécié.
Par contre, les oeufs n'ont pas la belle couleur jaune de ta photo, mais une espèce de rond verdatre autour du jaune dur.
si un jour on m'avait dit que je ferais des pieds de cochon....
— marionette, le 26 octobre 2009 à 21:27Bonjour Lilo, ah ce que j'aime lire des recettes avec "histoire"... Je suis conquise et je voudrais me lancer dans la réalisation de cette magnifique terrine, mais se gardait elle bien ? : j'ai un buffet à faire pour 45 convives et j'aimerai m'organiser... Je me demandais s'il serait possible de la faire le lundi pour le samedi par exemple... Je te remercie par avance. A Bientôt.
— Jouv', le 22 avril 2010 à 18:07Merci Jouv ! Je garderais cette terrine pas plus de 3/4 jours. Même cuite, c'est de la viande quand même... Donc réalise-la le mercredi, voire le jeudi pour être certaine de sa fraîcheur ;)
— Lilo, le 22 avril 2010 à 18:12bonjour
— marc, le 1 juin 2011 à 17:48merci pour cet article Moi j'achète le jambon a une famille d'importateurs espagnols, qui revendent le jambon directement d'Espagne aux particuliers.
Merci pour cette recette qui m'a mis l'eau à la bouche ! Je découvre avec plaisir une recette nivernaise que je ne connaissais pas... et que j'ai hâte de tester.
— Negus58, le 3 juin 2013 à 15:30Bonjour,
— Leonzara, le 18 mai 2015 à 13:55Géniale ta recette, je la faisais tous les ans pour Pâques, mais "au pif" !!!
Car je n'ai jamais pensé à la demander à ma grand-mère morvandelle, qui est partie au paradis voilà bien longtemps.
Je reçois dans quelques jours des amis espagnols, amoureux du Morvan, je vais donc leur faire ta fabuleuse recette.
MERCI