Lorsque l'on pousse la lourde porte de ce riad situé au coeur du quartier de la Kasbah, on y découvre un jardin luxuriant et de magnifiques terrasses ensoleillées. Après avoir franchi le deuxième étage de l'établissement pour rejoindre la cuisine de l'atelier, ma belle-soeur et moi avons été subjuguées par la vue qui s'offrait nous : un patchwork composé des toits de Marrakech, de nids de cigognes et de palmiers resortant ici et là. C'est Karima, une jeune marocaine, qui a été notre initiatrice à la cuisine de son pays. Nous avons été touchées par sa gentillesse et sa naturelle timidité, ébahies par la dextérité de ses gestes, hérités de sa mère. L'objectif de l'atelier était le suivant : réaliser notre propre repas de midi. Au menu, la typique salade marocaine à base de tomates et de poivrons, du pain, un tajine de poulet aux citrons confits et aux olives rouges, du thé à la menthe et des macarons marocains aux amandes.


   


Dès notre arrivée, Karima nous a offert un tablier, un livre de recettes et un sourire radieux. Ma belle-soeur et moi échangeons alors un regard connivent qui montrait à quel point on se sentait bien en compagnie de cette jeune marocaine. Ce qui m'a le plus surprise, c'est l'organisation du plan de travail. Contrairement à nos pratiques occidentales, les cuisinières travaillent sur une table basse et restent assises sur des petits tabourets. La première demi-heure fut un peu difficile pour mon dos et par la suite je me suis bien adaptée à la position. Il est vrai que debout, on a plus de forces pour travailler la pâte, notamment celle du pain, mais à regarder Karima, je voyais qu'elle ne peinait pas le moins du monde, au contraire. C'étaient ses jambes qui servaient de force d'appui. Alors nous l'observions faire, un peu hébétée par la grâce avec laquelle elle travaillait les ingrédients. A peine 20 ans et déjà un cordon-bleu. Les jeunes françaises en sont loin et c'est certainement la société moderne qui veut cela. A mes yeux, savoir cuisiner tôt, c'est en partie le début de l'indépendance, encore faut-il que les mères transmettent cette "science" à leurs enfants. Chez les marocaines, cet héritage culturel ne s'est pas perdu et s'inscrit dans le cadre d'un futur mariage. Une femme doit être capable de nourrir son mari et ses enfants. J'ai l'impression que chez nous c'est l'inverse, on devient rapidement une jeune femme émancipée, avec tout ce que cela suppose derrière. On apprend ensuite à être une femme d'intérieur, au fil du temps et si on le souhaite vraiment.


   


A la fin de notre cours, nous avons réalisé des macarons aux amandes marocains, appelés également ghoribas. Passez-moi l'expression, mais ces petites gourmandises sont bien moins prises de tête que nos macarons français ! Les ingrédients diffèrent à peine pourtant : des oeufs, de la poudre d'amandes, du sucre, du glace... et la petite touche marocaine, de la semoule fine. Comme vous pouvez le remarquer sur les photos, tout se fait à la main. J'ai en effet été étonnée de voir Karima battre les oeufs à la main, puis ajouter le sucre et la poudre d'amandes. On peut également incorporer de l'eau de fleur d'oranger pour parfumer. Une fois la pâte mélangée, il faut humecter ses mains avec cette même eau ou de l'eau de rose et prélever avec son index, son majeur et son annulaire recroquevillés un morceau de pâte. L'étape suivante est de le rouler entre ses paumes afin de former une boule de la taille d'un petit fruit de la passion. Dans bol rempli de sucre glace bien tassé, on pose la petite boule de pâte et avec l'index et le majeur, on l'aplatit à plusieurs reprises. Délicalement, on prend le macaron entre ses doigts, sans retirer l'excédent de sucre glace, et on le pose sur un plaque recouverte de papier sulfurisé. Au four 20/25 minutes et c'est prêt à être dégusté. Ces gâteaux sont vraiment délicieux avec leur parfum d'amandes et de fleur d'oranger. Au niveau de la texture, ils sont croquants en surface et moelleux à l'intérieur. La semoule apporte un petit côté croustillant vraiment sympa.


   


De retour en France, j'ai immédiatement réalisé ces macarons, c'est peut-être à cause de la nostalgie d'un pays qui n'est pas le mien mais que je sens intuitivement ancré en moi. Alors que je formais les petites boules de pâte, ma fille m'observait..."C'est de la pâte à modeler Maman ?" Je souris : "Non Inès, je fais des gâteaux de Jasmine". Spontanément elle proposa de m'aider. A ce moment-ci, je me fis la réflexion que la cuisine marocaine, en particulier la pâtisserie, est une affaire familiale, de femmes et de partages. On peut être plusieurs à pétrir cette pâte dans une grande jatte, à former ces petites boules, à les aplatir dans le sucre glace. Que l'on ait 3 ou 80 ans, chacun peut se mettre à l'ouvrage tout en papotant. Sans dénigrer notre savoir-faire culinaire, je constatais qu'il était assez individuel. Très souvent, je dis à ma fille qu'elle ne peut pas m'aider ou que c'est trop compliqué. Sans rentrer dans un débat de comptoir, la manière de cuisiner reflète-t-elle notre culture, notre société ? Une chose est sûre, la cuisine du Maroc est à l'image de ses habitants : chaleureuse, conviviale, simple et tellement proche de ses racines.


Ingrédients pour une soixantaine de macarons
7 oeufs - 250 g de sucre semoule - 1 sachet de levure chimique - 1 kg de poudre d'amandes - 200 g de semoule fine - eau de fleur d'oranger - sucre glace
Temps de préparation : 1 h
Niveau : facile

1. Mélangez dans une grande jatte les oeufs battus, le sucre semoule et la levure.

2. Ajoutez peu à peu la poudre d'amandes et la semoule. Travaillez énergiquement le mélange jusqu'à ce que la pâte soit molle. Si elle reste trop dure, incorporez un peu d'eau de fleur d'oranger.

3. Préchauffez le four à 180°C. Humectez-vous les mains avec l'eau de fleur d'oranger. Prélevez une grosse noix de pâte et faites une boule.

4. Aplatissez la boule en la posant sur un fond de sucre glace et posez-la sur une plaque huilée ou recouverte de papier sulfurisé. Faites de même avec le reste de la pâte.

5. Faites cuire pendant 20/25 min, jusqu'à ce que les macarons soit légèrement dorés.


NB : Vous pouvez conserver au moins 15 jours ces gâteaux dans une boite métallique.