Après cet épisode digne des Malheurs de Sophie, ma mère voulut me faire plaisir en réalisant un clafoutis avec les quelques cerises restantes. Chez nous, comme dans le Limousin où le patrimoine culinaire est proche du nôtre, nous ne dénoyautons pas les cerises. Etant devenue une spécialiste de la cerise acide, je dévorai ma part de clafoutis avec insouciance. Deuxième décharge électrique et pas des moindres, ma petite canine ne fit pas le poids à côté de la dureté d'un noyau. Autre grimace mais avec cette fois-ci un fond sonore digne d'une sirène des pompiers qui alerta mes parents. "Je veux plus manger de cerises Maman, j'en ai maaaaarre !". Je les ai boudées jusqu'à l'année suivante.

Lors d'un goûter d'anniversaire chez une de mes copines de l'époque, sa grand-mère avait préparé un clafoutis. Toutes les invitées s'étaient ruées dessus et moi, j'étais prostrée dans un coin, regardant ce gâteau comme s'il s'agissait d'un serpent. La grand-mère s'approcha de moi et me demanda pourquoi je n'y goûtais pas. Je lui ai expliqué mes mésaventures. "Avant, je les trouvais belles et jolies, alors je les ai mangées trop vite, j'ai été très malade et puis après j'ai voulu en remanger et je me suis cassée une dent et patati et patata...". Elle répondit avec sagesse : "Ah ma petite fille tu sais, les cerises, surtout les acides, c'est comme avec les garçons ! Ils nous attirent au début, on devient vite amoureuse et puis s'en prend plein les dents ! Pour les apprécier, il faut rester modérée et de ne pas croquer trop vite dedans !" Et moi qui regardait ce clafoutis comme un serpent, mon cas aurait intéressé Freud c'est certain. Voici l'objet du délit, la cerise de Montmorency...


  


Sous l'oeil bienveillant de cette grand-mère dont les propos m'avaient marqué, je retentais l'expérience en faisant un peu la moue. Je pris bien mon temps pour manger ma part de clafoutis et une fois terminée, je fus soulagée de m'être réconciliée avec. Depuis ce jour, je suis définitivement "amoureuse" du clafoutis. Celui aux cerises acides non dénoyautées se déguste, il ne se dévore pas. Personnellement, je le préfère ainsi car les cerises gardent toute leur saveur. Leur jus ne coule pas dans la pâte qui reste ainsi intacte et non détrempée comme il arrive avec les cerises dénoyautées. Toutefois, je retire souvent les noyaux pour les enfants mais reste alors sur ma fin. Autre sujet de débat, la texture du clafoutis. Je n'ai jamais pu me faire à ceux dont la pâte est proche du gâteau au yaourt ou du cake au citron. Je les trouve sans intérêt, ils ne déclenchent pas chez moi l'extase gustative, pire, ils m'agacent ! Vous me trouverez bien élitiste, conservatrice, vieille France comme cet internaute anonyme qui me suspecte de brouter l'herbe du pré d'à côté. Je ne lui en veux pas et lui laisse volontiers ses sandwichs au jambon élastique. Quand la tradition culinaire a du bon, je la prends, lorsqu'elle me semble désuète, je la fais évoluer. Mais le clafoutis de ma mère, pour rien au monde je le changerai.


Ingrédients
600 g de cerises acides - 2 oeufs - 80 g de sucre en poudre - 125 g de farine - 1/3 l de lait entier - une pincée de sel - une cuillère à soupe de rhum - du beurre - du sucre roux
Temps de préparation : 15 min
Niveau : facile
Coût : économique

1. Préchauffez le four à 180°C. Dans une jatte, fouettez les oeufs, le sucre et le rhum. Ajoutez en alternant la farine, le lait et la pincée de sel.

2. Lavez, équeutez et essuyez les cerises.

3. Beurrez généreusement un moule à tarte, versez la pâte à clafoutis puis ajoutez les cerises. Enfournez pendant 35 minutes. 10 minutes avant la fin, ajoutez des petits morceaux de beurre et saupoudrez le dessus avec du sucre roux.

N.B. : vous trouverez les cerises acides dans les marchés locaux et plus rarement au supermarché. Elles se conservent au réfrigérateur quelques jours mais n'attendez pas trop car elles peuvent se ramollir. Vous pouvez les congeler entières avec les queues, elles auront encore une belle tenue.