jeudi 21 octobre 2010
Velouté de cèpes et de châtaignes
Le week-end dernier, j'étais vraiment bien. Seule, dans la forêt privée familiale, en train de marcher tranquillement, panier à la main et appareil photo accroché en bandoulière. Aux abords de l'étang, une brise légère s'engouffrait dans le sous-bois, révélant avec délicatesse ses effluves. Comment ne pas avoir envie de fermer les yeux, de s'arrêter un moment pour absorber toute la force que les éléments m'inspiraient. A l'écoute des multiples bruits émis par le peuple des bois, je faisais le vide, sans peine. Soudainement, un cri rauque, lancinant et incroyablement puissant transperce le temps et l'espace, arrêtant net mon voyage sensoriel. Je me fige et tourne lentement la tête en direction du bruit qui n'était plus qu'un râle plaintif. Face à moi, un cerf majesteux me fixe avec intérêt. Il est à une certaine distance de moi, mais je connais les talents de coureur et l'agressivité du roi de la forêt lors de la saison des amours. Et même si le brame touche à sa fin, je n'en mène pas large. Je connais bien les lieux et me dirige avec humilité (comprenez lentement et tête baissée) à droite, en direction de la petite cabane à quelques mètres de là, tout en gardant un oeil avisé sur l'animal....
Vingt mètres, c'est peu mais dans ce contexte, c'est long. A travers la petite fenêtre ourlée de toiles d'araignée, je l'observe, j'ai le souffle court, les jambes molles et les mains qui me picotent. Le cerf poursuit son chemin, paisiblement. Au bout de dix minutes à faire le guet, je me décide enfin à sortir de ma planque. Mes yeux balayent attentivement l'horizon. Il est parti... j'entends au loin l'écho de son hurlement qui se disperse dans la forêt. Mes jambes encore flageolantes me portent machinalement vers un petit sentier tapissé de mousses et de feuilles colorées. Cette fois-ci, ce n'est pas la complainte du cerf qui m'arrête, mais le spectacle saisissant des cèpes de Bordeaux disposés en ronds de sorcières tout autour d'un vieux chêne. Décidément, les journées peuvent être si belles...
Je prends le temps de les observer, tous, si joliment disposés. Je regrette juste de ne pas avoir pris un objectif adapté pour réaliser une photo d'ensemble, mais qu'importe, l'image est dans ma tête et à travers ces mots, dans la vôtre, je l'espère. Délicatement, je les prélève en veillant à remettre la mousse ou les feuilles mortes qui les entouraient afin de protéger le mycélium. Ce fin et large réseau de racines blanches, que l'on compare à un arbre souterrain, donne naissance à des "fruits", les carpophores, plus connus sous le nom de champignons. Sans lui, ils n'existeraient pas et il est donc essentiel de ne pas le fragiliser en l'exposant au froid. Certes, les animaux de la forêt le malmènent mais quand on aime les champignons, on bichonne et respecte leur biotope.
Après ma cueillette, je fais un détour pour me rendre dans mon coin à châtaignes. Les sangliers ne sont pas encore passés par là... "chouette, je vais m'en griller quelques-unes". Dans la poche, j'ai un peu de bois gras que l'homme-ours m'a donné. C'est un excellent combustible, qui plus est naturel. Le feu part directement avec des feuilles de chêne, de l'écorce de bouleau, des brindilles et un ou deux rondins de bois sec. J'en profite pour me chauffer les mains, car même ensoleillées, les journées d'octobre sont fraîches.
J'incise la première peau des châtaignes en travers pour éviter qu'elles éclatent et les dispose dans un petit poêlon que j'avais mis dans le coffre de ma voiture (l'appel de la cuisine, que voulez-vous !).Avec un bout de bois, je mélange les châtaignes, tout en songeant à cet après-midi étonnante. Une fois calée, je suis rentrée au gîte pour préparer tous ces champignons. Cela demande du temps, pensez-y lorsque vous en ramassez beaucoup.
Retour au bercail, en terres berrichonnes. J'ai voulu concocter une recette qui réunirait les deux produits que j'ai glané en forêt. Cèpes et châtaignes, c'est un duo exquis qui marche à tous les coups. C'est du brut d'automne... Voici la phrase que j'ai prononcé spontanément à voix haute lorsque j'ai goûté à ce velouté, ou plutôt à ce velours ! La recette est inspirée de celle publiée dans mon premier livre, mais comme elle est délicieuse, elle méritait bien sa place sur le blog. Vous avez prévu des choses ce week-end ? Partez en forêt, la grande Dame vous réserve toujours de belles surprises.
Ingrédients pour 4 personnes
400 g de cèpes - 100 g de châtaignes grillées et pelées ou au naturel - 2 gousses d'ail - 1 oignon - 100 ml de vin blanc - 20 g de beurre - 1 cuillère à soupe de crème fraîche - 1 bonne pincée de sel - 4 grains de poivre noir moulu - 1 trait d'huile de noix ou de noisette
Temps de préparation : 30 minutes
Niveau : facile
Coût : très économique si vous avez ramassé les cèpes et les châtaignes en forêt.
1. Retirez le pied terreux des cèpes. Essuyez le chapeau, enlevez les éventuelles parties grignotées par les limaces et le "foin" (tubes jaunes olivâtre sur les spécimens les plus vieux). Détaillez les champignons en petits dés.
2. Pelez l'oignon et les gousses d'ail. Retirez le germe. Émincez-les finement.
3. Faites fondre le beurre et laissez blondir l'oignon et l'ail. Ajoutez les champignons, faites cuire à feu modéré et à découvert pendant 10 minutes en mélangeant de temps en temps.
4. Versez le vin blanc, les châtaignes et ajoutez de l'eau à niveau. Couvrez et laissez mijoter pendant 15 minutes en mélangeant régulièrement.
5. Mixez la préparation, incorporez la crème, salez, poivrez et rectifiez l'assaisonnement si nécessaire. Le velouté est épais, vous pouvez éventuellement ajouter un peu d'eau.
6. Servez dans des bols avec un peu d'huile de noix ou de noisettes. Dégustez avec des tranches de pain de campagne grillées.
D'autres recettes par ici !
Tourte aux champignons des bois
Soupe à l'oignon
Crème de châtaignes
Fondant de châtaignes aux noix et à la fève tonka
Commentaires
Ton récit est juste...magique! on s'y croirait! moi qui adore les ballades en forêts, toute les saisons me plaisent, mais j'aime particulièrement l'automne, qui laisse, quand on rentre chez soi les pieds fourbus, une certaine odeur d'humidité chaude (waouh, le bel oxymore que voilà!)dans les cheveux et sur la peau. J'adore l'ambiance des sous-bois quand on part à la recherche de champignons ou de châtaignes. Merci pour cette belle balade et recette!
— Miss crumble, le 21 octobre 2010 à 23:09Nan mais là je suis déçue franchement: tu n'as pas réussi à le prendre en photo notre ami le cerf?;-)
— Anne-Sophie, le 22 octobre 2010 à 00:11Trève de plaisanterie: à te lire on s'y croirait, trop bon! Nous y sommes allés la semaine dernière en forêt mais rien de par chez moi. Il y en a en revanche sur le littoral m'ont dit les copains: ça tombe bien, j'y vais ce week end!
Merci pour ton beau récit et la recette alléchante...
— Sweet Faery, le 22 octobre 2010 à 07:26L'automne est une saison magique et tu sais merveilleusement bien la raconter. Très beau billet :)
— Camille, le 22 octobre 2010 à 09:16tu me donnes carrément envie !
— Roodkapje, le 22 octobre 2010 à 11:00C'est tjr avec un grand plaisir que je vous lis ; merci pour ce voyage
— Inès, le 22 octobre 2010 à 12:11Bonjour Lilo,
— Fran, le 22 octobre 2010 à 16:06Encore beaucoup de rêve que tu nous offres-là. Ton réçit est féérique, et même si tu as eut très peur, ce que je conçois, quelle chance tu as d'avoir eut un tête à tête avec le seigneur de la forêt...Tu as beaucoup de chance aussi d'habiter une si belle région et de profiter de ses produits naturels...
Merci de nous faire partager tout cela avec beaucoup de coeur et de passion.
Oh lala! même si l'émotion voire la peur fut très présente, quel beau moment!!! et puis quelle trouvaille: un trésor gustatif que tu as su une fois encore si bien transformé! Tu nous enchantes LILO .....SUPERBE....je ferme les yeux un instant et me voilà partie dans les sous bois.....mais dure réalité : rien dans mon panier donc ce soir, ce sera salade du jardin!
— NIC, le 22 octobre 2010 à 17:24Très bonne dédicace
Merci pour ce beau récit aux couleurs de l'automne qui donne envie de prendre son panier, un couteau, et de profiter des odeurs et bruits de la forêt (le cerf par contre...), de cuisiner au retour une bonne soupe réconfortante et de saison...
— Chris, le 22 octobre 2010 à 18:20A bientôt
Merci pour vos commentaires ;) oui c'était un chouette moment...
— Lilo, le 22 octobre 2010 à 21:21En dehors du brame, les cerfs sont pas trop agressifs. Si il a une ligne de fuite (pas de grillage qui le bloque), il ne vous chargera pas. Un vieux dicton de la part de l'homme-ours : "au sanglier le barbier, au cerf la bière". Dans le temps, c'était le barbier qui recousait les petites plaies occasionnées par le sanglier, tandis que le cerf peut vous emmener tout droit dans la bière (mise en bière), à savoir le cercueil.
Si un jour vous vous retrouvez face à un cerf ou un troupeau de biches, il ne faut marcher en leur direction mais bifurquer de côté. Ils s'échapperont moins vite et vous pourrez mieux les observer. Autre chose, la direction du vent influence la fuite. S'il vous balaye le dos, le cerf sentira votre odeur et fuira ;)
Une belle histoire de forêt qui finit bien avec ce potage alléchant!
— Au gré du marché, le 23 octobre 2010 à 06:51Lou
j'ai croisé un cerf une seule fois sur une route la nuit en Dordogne et j'ai eu la peur de ma vie...alors j'imagine combien tes jambes devaient flageoler...
— bergeou, le 23 octobre 2010 à 16:01Ici peu de cèpes mon papa n'en a ramené qu'un jeudi matin ;)
Peu reveillée ce matin devant mon ordi ,je me suis demandée si je ne m etais pas trompée de blog,serais je arrivée sur un blog de chasse....quelle aventure,peut etre devrais tu passer ton permis de chasse....Blague à part,.j ai assisté une fois au brame du cerf,le bruit est impressionnant et la taille de l animal egalement.Tres belles photos et recette.
— vero, le 24 octobre 2010 à 08:58Bon dimanche.
La forêt en automne a beaucoup de charme et ton histoire et tes photos le prouvent... Cela m'a fait sourire aussi car dans ton histoire tu parles de la peur que tu as eue face au Cerf et juste après de la trouvaille des cèpes, qui on dirait t'a vite fait oublier tes mésaventures ! Comme quoi la nourriture réconforte bien ;-)
— Mélodie, le 25 octobre 2010 à 09:34Je découvre ton blog avec grand plaisir, une belle aventure et si bien racontée.
— Iris, le 26 octobre 2010 à 18:48C'est tellement agréable de cuisiner avec les produits que l'on a découvert tout en se promenant.
Bonne soirée.
La cueillette des champignons, un tel régal. Quelle chance d'avoir croisé cet animal aussi majestueux. Je sens le parfum de ta soupe d'ici et elle me fait très envie
— eglantine, le 27 octobre 2010 à 14:05Un beau récit, une belle photo et une délicieuse recette... bravo !
— Virginie, le 27 octobre 2010 à 21:15Bonjour,
— Trarau, le 27 octobre 2010 à 22:03Ce sont des cèpes séchés, posés sur le velouté dans les photos?
Si oui, comment les réalises-tu? j'ai tenté d'en faire, mais au hasard et ils n'étaient pas parfaits.
Si non, sont-ils simplement crus et escalopés?
Une très belle promenade, merci !!
— Claire, le 28 octobre 2010 à 16:34Bonjour, je vient depuis un bon moment sur ton blog et je me suis lancé aussi dans l'aventure d'un blog, et je me décide a laissé un petit commentaire.
— Davy, le 29 octobre 2010 à 13:08Cette soupe m'a l'air vraiment très bonne comme toute tes recettes.
De magnifique photo.
Bonne journée. Davy.
aussi bien la recette que votre texte est un enchantement! Merci beaucoup...
— julie, le 3 novembre 2010 à 20:58Un superbe velouté! Ces saveurs automnales sont merveilleuses et tes photos si belles. Quel bol d'air frais.
Bises,
Rosa
— Rosa, le 3 novembre 2010 à 22:12Trarau, oui, ce sont bien des cèpes séchés ;) Pour les réaliser, c'est très simple. Après avoir essuyé les champignons avec un linge, on les émince finement, on les place sur du papier absorbant, puis dans une cagette et on les fait sécher à l'air libre dans une pièce chaude. Au bout de 2 à 3 jours, les champignons sont complètement déshydratés et se conservent un an dans un bocal ;)
Je suis contente que cette histoire vous aie intéressée. A la campagne aussi, on a une vie trépidante !
— Lilo, le 4 novembre 2010 à 12:34Pendant un instant, j'ai eu l'impression d'être juste derrière toi... les mains moites agrippées au clavier, en pleine forêt. Un bien joli récit et de sublimes instantanés d'automne qui auront illuminé une après-midi plutôt grisâtre. Ne manquent plus que quelques champignons dans l'assiette...!
— Mabeobja, le 4 novembre 2010 à 14:15J ai de la scrine du bery dans mon jardin...en as tu trouve cette année?si non dis moi le.r
— vero, le 5 novembre 2010 à 08:10Cela fait un bon (c'est le cas de le dire) moment que je viens me régaler de vos écrits et photos sur ce blog. Je ne sais pas si je vous ai déjà exprimé le plaisir que j'ai à venir ici et ma reconnaissance pour vos partage, que ce soit dit : Merci !
— Solune, le 8 novembre 2010 à 08:29Bonjour,
Je passe souvent et je me lance enfin aux commentaires.J'ai une galerie d'art sur Arles,et vendredi soir je reçois 4 artistes chez moi. Pour passer un bon moment devant la cheminée je voulais leur proposer cette soupe (je m'en lèche les babines!) mais question con..... Quel vin blanc utilises tu pour cette recette ?
merci!
— Aurélie, le 30 novembre 2010 à 18:51Aurélie, bonne idée de proposer cette soupe à des artistes ! Pour le vin, je te suggère un vin blanc fruité du type Sancerre, Menetou, Pouilly-Fumé... Tu peux également te rendre chez un caviste, lui indiquer ta recette. Il te trouvera un vin adapté, avec un bon rapport qualité/prix ;)
— Lilo, le 2 décembre 2010 à 17:28Génial !
— Aurélie, le 5 décembre 2010 à 17:17Merci pour les conseils , c'était un régal !!!
Si en 2O10, il n'y avait rien dans mon panier... en 2O11, année fructueuses en cèpes, ce velouté est à l'honneur sur notre table et GOURMANDISE assurée : la saveur du bois est au RV!...... et tant pis par cette chaleur, ça change e la salade haricots verts-tomates au demeurant délicieuse
— NIC, le 21 août 2011 à 14:18Toujours fans de ton velouté..... "du brut d'automne dans notre assiette ce soir" hum....... MERCI encore Lilo. On ne s'en lasse pas de ces bonnes choses données par Dame Nature! et cette année PEU de champignons en BOURGOGNE alors, le peu ramassé....avec Amour..... nous régale davantage encore
— NIC, le 1 octobre 2012 à 17:40NIC