mercredi 13 octobre 2010
Formation mycologique en forêt de Tronçais
Comme je vous l'avais dit dans un dernier article, j'ai suivi une petite formation en mycologie dans l'Allier. Pour les néophytes, il s'agit de la science étudiant les champignons, sous toutes leurs formes. Bien entendu, je compte focaliser mon attention sur les variétés forestières comestibles et visibles (les champignons nichés sur les orteils ne m'intéressent guère !). Le plus compliqué dans ce domaine, c'est surtout le vocabulaire très technique qu'il convient de vulgariser. J'ai notamment pu m'en rendre compte lors de ma rencontre avec Jean-Manuel Martin, mycologue et président de la Société Mycologique du Val de Cher. Infundibuliforme, aranéeux, détersile, raphanoïde, fibrilles..., et j'en passe, il y aurait de quoi être effrayé ! Comme en botanique, on peut toutefois très bien s'y intéresser, reconnaître de bons comestibles et passer son chemin devant les spécimens mortels, sans pour autant connaître les termes trop complexes. Lors de cette journée d'octobre particulièrement ensoleillée, la récolte des stagiaires de la formation a été fructeuse. Grâce aux connaissances de Jean-Manuel et d'Arnaud Bayle, animateur à la maison de la Nature à Château-sur-Allier, nous avons pu bénéficier de leur expérience et aborder la cueillette des champignons sous un angle plus professionnel.
9h00 du matin, en forêt de Tronçais. Nous voilà arrivés avec l'homme-ours au point de rendez-vous. Nous sommes une bonne quinzaine de personnes équipées de bottes, paniers, couteaux, livres sur les champignons et appareils photos. Retraités, quarantenaires, écolos, enfants, il y a tout type de profils. En guise d'entrée en matière, Jean-Manuel Martin nous expose les différentes familles de champignons, tout en s'appuyant sur sa cueillette matinale (un panier rempli de champignons multicolores, graciles ou rondouillets, trop beaux !). Jamais je n'ai vu un échantillon aussi varié, la journée allait être prometteuse. Après ce tour d'horizon, nous sommes entrés dans le vif du sujet : la cueillette. La balade se déroule au coeur de la forêt, loin des chemins balisés, et nous devons ramasser tous les champignons qui se trouvent sur notre passage. Dès que l'on en trouve un, nous le présentons à Jean-Manuel qui, selon une méthode bien précise, parvient à déterminer le nom précis du champignon (en latin bien sûr). Quid d'une méthode pratiquée par tous les mycologues.
Les critères d'identification des champignons
1. Les lamelles : cela peut surprendre, mais le premier réflexe à avoir lorsque l'on veut identifier un champignon, c'est d'observer ses lamelles. Leur couleur, leur forme, la façon dont elles sont rapprochées entre elles, accrochées au chapeau, permettent de leur attribuer une famille. Le rosé des prés, lorsqu'il atteind une taille moyenne, comporte des lamelles vieux rose très caractéristiques.
2. Le pied : c'est un critère très important et il ne faut pas hésiter à le cueillir en entier, sans le couper. Par exemple une volve (membrane voilée) indique, dans la plupart des cas, l'appartenance à la famille des amanites. Cassez également le bout du pied pour jauger sa texture (élastique, spongieuse...). On procède de la sorte pour la famille des russules dont le pied se fend net comme un baton de craie. La présence ou non d'un anneau permet également d'éviter les accidents. Je pense notamment à la coulemelle que l'on reconnait grâce à son anneau bien épais, cotonneux et coulissant.
3. Le chapeau : il ne permet pas de déterminer une famille de champignons (agarics, lépiotes, bolets...) mais plutôt le genre voire le sous-genre. Il faut faire très attention aux sujets jeunes ou vieux, car les couleurs et les formes varient beaucoup selon les âges.
Certains chapeaux sont visqueux par temps humide et deviennent secs lorsque le soleil a trop caressé leur peau. Une méthode assez étonnante, appelée joliment "le test du baiser", propose de vérifier cette caractérisque propre au cèpe de Bordeaux. Humidifiez vos lèvres et posez-les délicatement sur le chapeau. En les pinçant, vous pourrez noter leur visquosité. Personnellement, je ne m'y aventurerai pas seule !
4. La chair : en coupant un petit morceau du pied, on peut par exemple observer le phénomène de bleuissement (oxydation de la chair au contact de l'air) et valider le nom d'une espèce, comme chez le bolet à pied rouge (voir photo ci-contre).
5. Le parfum : pincez le bord du chapeau entre le pouce et l'index, puis sentez son odeur. Farine, noisette, anis, pomme, citron, navet, bouillon de poule, plume mouillée, encre d'écolier, fumée de locomotive... les comparaisons olfactives des mycologues font parfois sourire ! Mais ne sous-estimez par ce critère d'identification. Lors de la formation, j'ai pu remarqué que Jean-Manuel parvenait à donner le nom précis d'un champignon après l'avoir senti.
6. L'habitat : sous les conifères, les chênes, un tronc d'arbre, une prairie... les champignons sont partout mais certaines espèces se plaisent mieux dans des biotopes précis. Vous ne trouverez jamais de trompettes des morts en plein milieu d'un champ ou des bolets sur une vieille souche.
Comment ramasser un champignon ?
C'est une question qui revient fréquemment. Il ne faut pas couper le pied à ras le sol mais le dévisser délicatement pour laisser un maximum de mycélium sur place et remettre par-dessus un peu d'humus (le top du ramasseur de champignons selon Arnaud Bayle). J'avais malheureusement écrit le contraire dans mon premier livre malgré une vérification de mes sources (sites internet spécialisés, livres et société mycologique locale). Même si ce sujet fait encore débat chez les mycologues, il semblerait que la plupart d'entre eux s'accordent pour valider la technique de la cueillette délicate. En procédant ainsi, on reconnaît plus facilement l'espèce (dont les amanites) et on a plus de chance de voir les champignons repousser.
Ce que j'ai retenu de la formation
J'avoue ne pas avoir noté et mémorisé toutes les informations données par Jean-Manuel et Arnaud lors de cette formation, mais voici ce qu'il faut savoir et mettre en pratique :
- comme en botanique, la mycologie impose une analyse pointue, l'humilité (aucun vrai mycologue se targue de tout connaître) et la sagesse (si on a un doute, on s'abstient de consommer le champignon) ;
- il ne faut pas se fier à la beauté (amanite vireuse), l'aspect engageant ou l'odeur agréable d'un champignon (entonome livide) : il peut être toxique, voire mortel ;
- essayez d'adopter la méthode de détermination d'un champignon : lamelles, pied, chapeau, chair, parfum et habitat ;
- il faut respecter le lieu de cueillette en ne ramassant que ce dont on a besoin et en plaçant les champignons dans un panier large (pas de sac plastique) ;
- n'écrasez jamais volontairement un champignon vénéneux : il a son utilité dans l'écosystème forestier ;
- de retour à la maison, vérifiez les champignons un à un.
Les champignons font partie intégrante de la nature. Comme les animaux, les arbres et les plantes sauvages, ils ont un rôle essentiel à jouer dans le fragile équilibre de notre planète. Certains sont considérés comme des éboueurs en éliminant les feuilles ou les arbres morts. D'autres poussent sur les troncs vivants et affaiblissent l'arbre jusqu'à le tuer (champignons parasites). Enfin, la majorité d'entre eux vivent en symbiose avec la forêt et permettent son développement et sa survie. Et si nous, les humains, décidions enfin de faire comme eux ?
J'espère que ce billet vous aura donné envie de participer à ce type de stages durant lesquels on apprend à mieux connaître ce règne étonnant. Dépêchez-vous de vous renseigner dans votre département, c'est la pleine saison des formations mycologiques. Merci à Jean-Manuel et Arnaud pour leur disponibilité, la qualité de leur approche et leur sympathie.
Maison de la Nature de Château sur Allier
Le Bourg
03320 Château/Allier
Tél : 04 70 66 48 25
Commentaires
C'est très intéressant, mais je serais incapable de manger des champignons que j'aurai ramassé, j'aurai vraiment peur d'être passé à côté d'un signe et d'empoisonner toute la famille!
— ulije, le 13 octobre 2010 à 19:31Je suis nostalgique de ces balades lorsqu'enfant j'arpentais les forêts bordelaises avec mon grand père en quête de cèpes de chêne, de pin et de bidao... J'ai perdu la main depuis et dans le Loir et Cher où j'habite maintenant, les chasseurs sont nombreux dans les bois en ce moment, ce qui n'est pas vraiment fait pour me rassurer...
— Gourmandises Chroniques, le 13 octobre 2010 à 19:58Ps : j'ai testé ta recette de fleurs cristallisées dans ton libre "bonbons bio" : une merveille ! Merci :-)
Article passionnant, complet. J'ai l'habitude de cueillir des cèpes, je ne m'aventure pas plus loin que cela. Une telle promenade, instructive, avec des professionnels, me tente grandement à présent.
— fanny, le 13 octobre 2010 à 20:40Article PASSIONNANT!!!!!!!, un vrai support de cours ( il en aurait de la chance tes élèves!) et puis comme d'hab, photos superbes : de vrais bijoux ces champignons! . MERCI Lilo de nous faire partager TES passions
— NIC, le 13 octobre 2010 à 21:32Oui, j'ai oublié de mentionner des recommandations importantes :
- ne ramassez jamais de champignons sur un terrain privé ou une zone de chasse (c'est normalement indiqué par les organisateurs mais chaque année des accidents surviennent par manque de balisage et présence sur un terrain dangereux) ;
- je le répète, ne prenez que les champignons que vous avez identifié CLAIREMENT.
Ulige, je pensais comme toi il y a quelques années mais tout s'apprend !
— Lilo, le 13 octobre 2010 à 21:58Gourmandises chroniques, nous sommes voisines alors. Tu peux aller dans les forêts domaniales à côté de chez toi et te renseigner auprès de la fédération de chasse locale pour connaitre les coins chassés.
Fanny, chouette !
Nic, je me doutais que cet article te plairait mais aussi ta moitié qui aime beaucoup les champignons :)
Bonjour, je souhaiterais m'inscrire à une formation en mycologie dans le Cher. J'habite près de Bourges. A qui puis-je m'adresser ? Merci pour votre réponse.
— FISCHER REGINE, le 14 octobre 2010 à 09:34Régine, il faut s'adresser à Robert Thibault, président du cercle mycologique Berry Sologne (02 48 75 41 45). Une sortie est prévue le 17/10 à Vierzon, 31/10 à Allogny, 7/11 à Saint Palais et 14/11 à Saint Eloy de Gy.
— Lilo, le 14 octobre 2010 à 11:18C'est vraiment très intéressant et c'est vrai que c'est quelque chose qui serait très utile à faire, rien que pour découvrir les variétés et leur milieu!
— Gen, le 14 octobre 2010 à 22:24Merci pour cet article passionnant et particulièrement pour les étapes à respecter pour la détermination ! J'ai essayé (sans méthode) lors d'une récente balade, juste armée d'un livre.... et ne suis arrivée à rien ....
— Annie, le 16 octobre 2010 à 14:40Super article ! Très intéressant et très instructif ! Merci à toi, ça me donne vraiment envie de faire ce genre de formation.
— superchacha, le 16 octobre 2010 à 14:52Ça m'a donné envie de trouver ce type de stage chez moi car c'est un peu la loose pour une périgourdine d'être une piètre mycologue au pays du cèpe! En attendant un conseil de lecture, ni trop pointue ni trop simpliste?
— Béline, le 18 octobre 2010 à 15:03C'est vrai que partir en forêt pour une petite cueillette de champignons est toujours agréable, qu'on en trouve ou pas d'ailleurs ! Et tu as raison, quand on ne connaît pas mieux vaut s'abstenir, prudence est mère de sureté ! personnellement, je ne connais que les cèpes, les girolles et les pieds de mouton, et je me borne à celà, bien trop peur d'être malade...
— Marina, le 18 octobre 2010 à 15:12merci pour ce billet, tes photos sont très belles, comme d'habitude !
c'est un bien joli billet que tu nous a fait là. Comme ma maman travaillait dans un laboratoire de mycologie, j'ai toujours ramassé des champignons,me promener dans des bois observer la nature, les fleurs, les plantes, les arbres, découvrir des champignons a moitié enfouis sous les feuilles, l'odeur qui se dégage de la terre, se poser un moment sur un tronc d'arbre pour un petit gouter,..... c'est un bonheur sans nom et lorsqu'on ramasse un beau panier, rempli de chanterelles, girolles, trompettes de la mort, pieds de mouton, cèpes, lactaires, ou autres coulemelles.........quel plaisir. J'aime tout autant les ramasser et les nettoyer très délicatement que les manger. C'est une super activité qui est facilement accessible à toute la famille, chacun à son rythme, et si on ne s'y connait pas ou que l'on a peur de se tromper un passage par le pharmacien qui a reçu une formation, s'impose naturellement; Merci aussi pour les jolies photos postées.
— GUYLAINE, le 19 octobre 2010 à 21:35je découvre ton blog, c'est une pure merveille !
— côté dilettante, le 3 novembre 2010 à 08:57supers recettes et cet article est passionnant, cette formation me tenterait, en plus ce n'est pas très long de chez moi.
Formidable article ! Je n'ajouterai que deux choses, une petite et une grande.
— Solune, le 12 décembre 2010 à 12:47La petite première : la toute première chose à observer pour identifier le champignon, ai-je appris avec les mycologues dont j'ai suivi les formations, c'est le terrain et la végétation qui forment l'écosystème du champignon (arbres environnants, nature du sol, plantes environnantes... ça se corse, là...). La deuxième grande : Merci à vous pour ce bel et bon partage ! :)
J'ai suivi quelques sessions mycologiques à l'époque, sujet ô combien aussi passionnant qu'ardu... et depuis, je vois bien plus de champignons qu'avant lorsque je me balade en forêt, comme quoi...
J'espère pouvoir trouver de bons "guides" en la matière dans mon coin Haut-Savoyard, afin de pouvoir creuser le domaine, car pour le moment je n'ose pas trop cueillir de crainte de me tromper... c'est que, semble t'il, les amateurs de mycologie sont aussi bien cachés que l'objet de leur passion :)
Ceci étant dit... merci pour cet article fort bien fait Lilo!
— Svava, le 25 juillet 2012 à 22:19J'ai l'intention d'aller faire un tour en forêt du Tronçais et je suis donc à la recherche de quelques coins propices aux champignons. Je sais que normalement ce genre d'information de se donne pas, mais juste des indications ... autour de tel bourg, ...
On ne sait jamais !
— William, le 23 septembre 2013 à 10:08