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9h00 du matin, en forêt de Tronçais. Nous voilà arrivés avec l'homme-ours au point de rendez-vous. Nous sommes une bonne quinzaine de personnes équipées de bottes, paniers, couteaux, livres sur les champignons et appareils photos. Retraités, quarantenaires, écolos, enfants, il y a tout type de profils. En guise d'entrée en matière, Jean-Manuel Martin nous expose les différentes familles de champignons, tout en s'appuyant sur sa cueillette matinale (un panier rempli de champignons multicolores, graciles ou rondouillets, trop beaux !). Jamais je n'ai vu un échantillon aussi varié, la journée allait être prometteuse. Après ce tour d'horizon, nous sommes entrés dans le vif du sujet : la cueillette. La balade se déroule au coeur de la forêt, loin des chemins balisés, et nous devons ramasser tous les champignons qui se trouvent sur notre passage. Dès que l'on en trouve un, nous le présentons à Jean-Manuel qui, selon une méthode bien précise, parvient à déterminer le nom précis du champignon (en latin bien sûr). Quid d'une méthode pratiquée par tous les mycologues.

Les critères d'identification des champignons

cortinaire.jpg1. Les lamelles : cela peut surprendre, mais le premier réflexe à avoir lorsque l'on veut identifier un champignon, c'est d'observer ses lamelles. Leur couleur, leur forme, la façon dont elles sont rapprochées entre elles, accrochées au chapeau, permettent de leur attribuer une famille. Le rosé des prés, lorsqu'il atteind une taille moyenne, comporte des lamelles vieux rose très caractéristiques.

2. Le pied : c'est un critère très important et il ne faut pas hésiter à le cueillir en entier, sans le couper. Par exemple une volve (membrane voilée) indique, dans la plupart des cas, l'appartenance à la famille des amanites. Cassez également le bout du pied pour jauger sa texture (élastique, spongieuse...). On procède de la sorte pour la famille des russules dont le pied se fend net comme un baton de craie. La présence ou non d'un anneau permet également d'éviter les accidents. Je pense notamment à la coulemelle que l'on reconnait grâce à son anneau bien épais, cotonneux et coulissant.

russule.jpg3. Le chapeau : il ne permet pas de déterminer une famille de champignons (agarics, lépiotes, bolets...) mais plutôt le genre voire le sous-genre. Il faut faire très attention aux sujets jeunes ou vieux, car les couleurs et les formes varient beaucoup selon les âges.

Certains chapeaux sont visqueux par temps humide et deviennent secs lorsque le soleil a trop caressé leur peau. Une méthode assez étonnante, appelée joliment "le test du baiser", propose de vérifier cette caractérisque propre au cèpe de Bordeaux. Humidifiez vos lèvres et posez-les délicatement sur le chapeau. En les pinçant, vous pourrez noter leur visquosité. Personnellement, je ne m'y aventurerai pas seule !

boletpiedrouge.jpg4. La chair : en coupant un petit morceau du pied, on peut par exemple observer le phénomène de bleuissement (oxydation de la chair au contact de l'air) et valider le nom d'une espèce, comme chez le bolet à pied rouge (voir photo ci-contre).

5. Le parfum : pincez le bord du chapeau entre le pouce et l'index, puis sentez son odeur. Farine, noisette, anis, pomme, citron, navet, bouillon de poule, plume mouillée, encre d'écolier, fumée de locomotive... les comparaisons olfactives des mycologues font parfois sourire ! Mais ne sous-estimez par ce critère d'identification. Lors de la formation, j'ai pu remarqué que Jean-Manuel parvenait à donner le nom précis d'un champignon après l'avoir senti.

6. L'habitat : sous les conifères, les chênes, un tronc d'arbre, une prairie... les champignons sont partout mais certaines espèces se plaisent mieux dans des biotopes précis. Vous ne trouverez jamais de trompettes des morts en plein milieu d'un champ ou des bolets sur une vieille souche.

Comment ramasser un champignon ?

C'est une question qui revient fréquemment. Il ne faut pas couper le pied à ras le sol mais le dévisser délicatement pour laisser un maximum de mycélium sur place et remettre par-dessus un peu d'humus (le top du ramasseur de champignons selon Arnaud Bayle). J'avais malheureusement écrit le contraire dans mon premier livre malgré une vérification de mes sources (sites internet spécialisés, livres et société mycologique locale). Même si ce sujet fait encore débat chez les mycologues, il semblerait que la plupart d'entre eux s'accordent pour valider la technique de la cueillette délicate. En procédant ainsi, on reconnaît plus facilement l'espèce (dont les amanites) et on a plus de chance de voir les champignons repousser.

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Ce que j'ai retenu de la formation

J'avoue ne pas avoir noté et mémorisé toutes les informations données par Jean-Manuel et Arnaud lors de cette formation, mais voici ce qu'il faut savoir et mettre en pratique :

- comme en botanique, la mycologie impose une analyse pointue, l'humilité (aucun vrai mycologue se targue de tout connaître) et la sagesse (si on a un doute, on s'abstient de consommer le champignon) ;
- il ne faut pas se fier à la beauté (amanite vireuse), l'aspect engageant ou l'odeur agréable d'un champignon (entonome livide) : il peut être toxique, voire mortel ;
- essayez d'adopter la méthode de détermination d'un champignon : lamelles, pied, chapeau, chair, parfum et habitat ;
- il faut respecter le lieu de cueillette en ne ramassant que ce dont on a besoin et en plaçant les champignons dans un panier large (pas de sac plastique) ;
- n'écrasez jamais volontairement un champignon vénéneux : il a son utilité dans l'écosystème forestier ;
- de retour à la maison, vérifiez les champignons un à un.

piedbleu.jpgLes champignons font partie intégrante de la nature. Comme les animaux, les arbres et les plantes sauvages, ils ont un rôle essentiel à jouer dans le fragile équilibre de notre planète. Certains sont considérés comme des éboueurs en éliminant les feuilles ou les arbres morts. D'autres poussent sur les troncs vivants et affaiblissent l'arbre jusqu'à le tuer (champignons parasites). Enfin, la majorité d'entre eux vivent en symbiose avec la forêt et permettent son développement et sa survie. Et si nous, les humains, décidions enfin de faire comme eux ?

J'espère que ce billet vous aura donné envie de participer à ce type de stages durant lesquels on apprend à mieux connaître ce règne étonnant. Dépêchez-vous de vous renseigner dans votre département, c'est la pleine saison des formations mycologiques. Merci à Jean-Manuel et Arnaud pour leur disponibilité, la qualité de leur approche et leur sympathie.

Maison de la Nature de Château sur Allier
Le Bourg
03320 Château/Allier
Tél : 04 70 66 48 25