tribus amérindiennesLa cuisine, noyau dur des coutumes amérindiennes

Le territoire des indiens d'Amérique du Nord étant très large, il n'y a pas une mais plusieurs cuisines amérindiennes. Pourrait-on dire d'ailleurs qu'il existe une cuisine européenne ? Qu'ils soient chasseurs, pêcheurs, cueilleurs nomades, agriculteurs ou sédentaires, ces hommes et ces femmes vivaient en harmonie avec une nature qu'ils n'ont jamais considérée comme une propriété ou un droit, mais comme une chance qu'il fallait préserver. Ils ne prélevaient en effet que ce qui étaient nécessaire à leur consommation.

Les Algonquins, chasseurs nomades de la côte est, avaient par exemple un régime très varié, composé de petits gibiers, de poissons, de fruits aux beaux jours et de gros gibiers en hiver. Cette tribu récoltait d'ailleurs l'eau des érables à sucre. Les Iroquois, sédentaires et agriculteurs, cultivaient quant à eux "les trois sœurs nourricières d'Amérique", le maïs, la courge et le haricot, et chassaient seulement en cas de nécessité. Quels indiens consommaient le légendaire bison ? Les amérindiens des plaines dont le mode de vie était intimement lié à ce mammifère, le plus grand animal terrestre du continent (1,80 m au garrot, rien que ça). Plus à l'ouest, d'autres tribus se nourrissaient essentiellement de poissons mais aussi de coquillages, otaries, phoques et baleines.


La sagamité, le plat commun à tous les amérindiens


Malgré une alimentation très diverse selon les régions, la sagamité faisait partie du repas traditionnel de tous les amérindiens. Les tribus nomades pouvaient en effet se procurer du maïs auprès des sédentaires en le troquant contre des fourrures. Son nom viendrait de l'algonquin "sagamitéou", désignant toute forme liquide. Préparée de diverses façons, elle était tantôt composée de farine de maïs bouillie, tantôt de grains frais, parfois grillés, souvent écrasés au pilon. On y ajoutait du petit gibier, du poisson frais ou fumé, des herbes aromatiques telles que le pourpier.

Nourrissante, étonnante par sa saveur légèrement sucrée, elle est meilleure lorsqu'elle est préparée avec des épis de maïs. Vous en trouverez sous vide en épicerie bio, tout comme la farine de maïs ou les graines de courge qui composent les biscuits servis avec ma version revisitée de la sagamité.


Des européens à la fois déroutés et envieux

Quand les européens arrivèrent sur le continent nord-américain, ils qualifièrent les indiens de sauvages. Ce constat était surtout lié aux rites alimentaires de ces tribus qui vivaient sous des toits de peaux de bêtes, ne mangeaient pas de plats élaborés, sophistiqués - comprenez "rôtis", la grande mode en Europe. Pire, ils consommaient de la viande crue ! Puis, en se penchant un peu plus sur la question, les blancs comprirent que leur art de vivre était sain et pérenne. Peu de hiérarchie, une liberté d'actes et de paroles, une société orientée sur la cuisine, la famille, l'art, aucune famine ou maladie qui ravagent ces peuples, contrairement au vieux Continent... Jacques Cartier a d'ailleurs souligné dans ces écrits un paradoxe : l'abondance et la facilité d'accès aux ressources alimentaires ne poussaient pas les amérindiens à se nourrir copieusement.

Même si un chaudron de sagamité était constamment accessible, ils ne prenaient que deux repas par jour, pratiquaient parfois le jeûne lors de périodes de chasse. Selon plusieurs sources, cette frugalité s'explique par la richesse nutritive du maïs. En revanche, ils savaient profiter des festins de guerre durant lesquelles cerfs, ours, brochets et saumons étaient disponibles à profusion. Dans les récits de colons, la plupart s'accordaient pour dire que la cuisine amérindienne était savoureuse, étonnante et authentique.


Des savoir-faire et des pratiques insolites

amérindienneÉtant dépourvus de récipients en métal (chaudrons en écorce de bouleau, en terre cuite, en peau, scellés par de la sève de conifères ou de la graisse animale), les amérindiens avaient inventé une technique très originale pour faire bouillir l'eau. Ils faisaient brûler de grosses pierres, les jetaient dans l'eau et les remplaçaient régulièrement par de nouvelles pierres bouillantes, jusqu'à ce que la viande ou le poisson soient cuits. Ce procédé a vite été abandonné avec l'arrivée de l'homme blanc qui fournit des chaudrons en cuivre.

Les plats amérindiens sont classés selon trois types de préparation : le cuit, le cru et le pourri. C'est certainement le troisième point le plus intrigant ! Certaines tribus consommaient du léindohy, un plat de jeunes épis de maïs bien tendres qui étaient mis à macérer dans des mares d'eau croupie pendant de longues semaines. Les femmes les frottaient ensuite avec des cendres, les lavaient et les ébouillantaient pour en faire une soupe épaisse. Selon les dires des colons présents lors de cette préparation déroutante, elle dégageait une odeur particulièrement nauséabonde. Ne faisons pas la grimace et pensons aux effluves d'un Munster ou d'une sauce asiatique à l'huître !


Des hommes au visage pâle...

Rien ne me lie à ce peuple et pourtant, son mode de vie et les souffrances que les blancs lui ont infligées m'ont toujours touchée. Par exemple, un certain général William T. Sherman avait compris que la survie des indiens de plaine dépendait de leurs ressources naturelles. Ainsi, il déclara en 1867 qu'il fallait "d’abord, régler son compte au bison, ensuite, régler leur compte aux Indiens"... Il précisa plus tard, en parlant des chasseurs de bisons : "Qu’on les laisse tuer et écorcher les bisons jusqu’à ce qu’il n’y en ait plus, puisque c’est là le seul moyen d’apporter une paix durable et de permettre à la civilisation de progresser dans ce pays". Heureusement en 1894, les fondateurs du parc de Yellowstone, le plus ancien site naturel protégé au monde, placèrent quelques dizaines de bisons afin de sauvegarder l'espèce. Avant l'arrivée des Buffalo Bill, on estimait la population de bisons à 70 millions, et à ce jour, il n'en reste que 50 000 à l'état sauvage.


Malgré mes recherches, je n'ai pas pu savoir si les amérindiens chassaient et cuisinaient avec un certain respect de leur environnement dans le but ultime de maintenir leurs ressources. A supposer que non, on peut en revanche estimer qu'ils étaient écologistes avant l'heure, des modèles sur lesquels l'homme moderne aurait dû prendre exemple.

La cuisine était pour eux le point de départ de leur art de vivre. Qu'en est-il de notre société ? Les auteurs du livre "Cuisine Amérindienne" mentionnent dans un chapitre cette belle citation de Levi-Strauss :


"Ainsi peut-on espérer découvrir ... comment la cuisine d'une société est un langage dans lequel elle traduit inconsciemment sa structure, à moins que, sans le savoir davantage, elle ne se résigne à y dévoiler ses contradictions."

Je vous laisse réfléchir sur ce sujet et espère que ces brèves d'histoires amérindiennes vous auront donné envie de préparer cette soupe et bien d'autres choses encore...


Ingrédients pour 4 personnes

Pour les biscuits à la farine de maïs et aux graines de courges d'après une recette excellente de Palais des Lys
60 g de farine de blé - 60 g de farine de maïs - 50 g de parmesan râpé - 50 g de graines de courge - 1 cuillère à café de levure chimique - 2 pincée de piment en poudre (Cayenne, Espelette...) - 1 pincée de sel - 3 cuillères à soupe d'huile de tournesol - 80 ml d'eau froide
Pour la sagamité
1 poireau - 2 petites carottes - 3 épis de maïs précuits (ou 200 g en boîte) - 2 cuillères à soupe d'huile de tournesol - 200 g de truite fumée - 1,5 litre d'eau - 50 g de farine de maïs - 1 pincée de sel
Temps de préparation : 1 heure
Niveau : facile
Coût : raisonnable

PRÉPARATION DES BISCUITS

1. Préchauffez le four à 180°C. Mélangez tous les ingrédients secs dans un saladier.

2. Faites un puits, ajoutez l'huile de tournesol et l'eau froide. Pétrissez tous les ingrédients ensemble. Remettez éventuellement un peu d'eau si la pâte ne vous semble pas assez élastique.

3. Aplatissez-la sur le plan de travail. Glissez-la entre deux feuilles de papier sulfurisé et étalez-la finement.

4. Découpez la pâte en triangles fins, puis disposez-les sur une plaque recouverte de papier sulfurisé.

5. Enfournez pendant 12/13 minutes, jusqu'à ce que les biscuits soient légèrement dorés. Laissez refroidir sur une grille.



PRÉPARATION DE LA SAGAMITÉ

1. Coupez le pied terreux du poireau, retirez les parties abîmées. Fendez-le en 4 dans le sens de la longueur puis rincez-le abondamment sous l'eau froide pour retirer la terre. Détaillez-le en tronçons de 2 cm de long.

2. Épluchez les carottes, lavez-les et émincez-les finement.

3. Versez l'huile de tournesol dans une cocotte. Ajoutez le poireau et les carottes. Faites cuire à feu modéré pendant 2/3 minutes.

4. Ajoutez l'eau, poursuivez la cuisson durant 5 minutes à compter de la reprise d'ébullition.

5. Prélevez les grains de maïs avec un couteau (étape non nécessaire si vous optez pour du maïs en boite), puis versez-les dans la cocotte avec la farine de maïs. Fouettez vivement, puis laissez mijoter pendant 10/15 minutes en mélangeant de temps en temps.

6. Coupez la truite fumée en lanières assez larges (4 cm de largeur). Au moment de servir, ajoutez-la dans la soupe encore chaude.

7. Servez dans des bols. Prenez votre manteau, glissez dans une poche les biscuits à la farine de maïs, installez-vous dehors, en forêt ou en plein nature si vous en avez la chance et dégustez cette soupe, tranquillement.