liste de recettesDresser une liste de recettes

Octobre 2007. Au printemps, j'avais fourni dans le synopsis une liste de 200 recettes, 50 par saison. Quelques mois après, à l'arrivée de l'automne, mon éditrice me demande d'en sélectionner 100. Le choix est parfois cornélien, mais je parviens à écarter les recettes trop complexes ou comportant des ingrédients que je maîtrise moins. Je rédige ensuite une typologie de recettes salées et sucrées : entrées froides et chaudes, quiches-tartes, viandes et poissons cuits à la cocotte, au four ou à la poêle, entremets, gâteaux familiaux et individuels, condiments, boissons... Je liste les ingrédients que je veux placer à tout prix et vérifie que la répartition des produits dans les recettes est harmonieuse. Par exemple, pour la saison de l'été, j'avais plusieurs recettes avec la pêche et aucune avec l'abricot. A cela s'ajoute la difficulté de la saisonnalité des produits, surtout pour les poissons. Le choix des recettes est définitivement validé à la fin de l'automne, mais je me doute que des réajustements seront nécessaires. Mon éditrice me rassure sur ce point et me laisse carte blanche.


Réaliser de bonnes recettes !

Novembre 2007. Beaucoup de recettes, dans leur intitulé, semblent géniales. Malheureusement, une fois que je les réalise et les goûte, je m'aperçois qu'elles sont franchement mauvaises ! Par ailleurs, je dois faire mes essais dans des quantités normales pour déterminer le bon temps de cuisson. Mes chiens me sont d'un grand secours et dans la plupart des cas, ils ne font qu'une bouchée de mes ratés.


Trouver une organisation de travail qui colle au projet

Décembre 2007. Lors de la négociation de mon contrat avec Rustica Editions, j'avais émis le souhait de faire les photos moi-même. C'était un challenge que je voulais relever, seulement je ne m'attendais pas à ce que cela soit aussi difficile (je vous en parlerai dans l'acte III). Je perds énormément de temps à vouloir faire de belles photos et cet acharnement sème la zizanie dans mon organisation. A la fin de l'année, les recettes et les photos de l'automne sont presque terminées, mais aucune introduction n'est vraiment finalisée.


Février 2008. Je vois bien que je ne vais pas m'en sortir et commence à m'inquiéter sérieusement. Je n'ai toujours pas terminé l'automne et commence au pied levé l'hiver. Etant donné que je souhaitais avoir de la place pour les textes, mon éditrice m'informe que l'on passe à 80 recettes. Cette nouvelle me sonne un peu, mais je finis par admettre que la quantité de plats n'est pas ce qui importe le plus. Je supprime des recettes à contrecoeur et en profite pour dresser un premier bilan : 5 mois après la signature du contrat, je n'ai pas encore trouvé l'impulsion nécessaire pour faire ce travail correctement. Quelque chose cloche, mais quoi ?

Mars 2008. Je prends conscience d'une chose capitale : je dois impérativement rédiger les textes en même temps que je compose les recettes. Les introductions, informatives comme celles du blog, ne peuvent être élaborées des mois après, car je perds forcément le fil. C'est en goûtant le plat, en m'y consacrant pleinement que je trouve les mots pour le définir. Ce revirement de situation m'aura au moins permis d'éclairer ma route et d'avancer plus sereinement. L'arrivée des beaux jours me donne un sursaut d'espoir et je sens que je vais enfin pouvoir m'épanouir dans la réalisation de ce livre.


Rédiger des textes qui donneraient envie de cuisiner la recette.

livresAvril 2008. Tout s'est enchaîné de manière plus fluide par la suite. Pour chaque introduction de recette (appelée "chapô" dans le jargon de l'édition et du journalisme), je fais des recherches sur l'origine et l'histoire des produits vedette et croise mes sources pour être certaine de ce que j'avance. Une fois le plan du texte monté, il faut l'habiller par des figures de style, traquer les répétitions, les redondances, trouver des synonymes. Ce travail de fourmi est passionnant, je révise ma grammaire et surtout, je parviens à trouver ma vitesse de croisière, le mécanisme de rédaction qui me manquait auparavant. Dans ces moments d'écriture, je m'enferme dans une bulle. Chaque bruit (les chiens qui aboient, le téléphone qui sonne, le son des jeux vidéos de l'homme-ours...) me fait sortir de cet état de lévitation psychique. Je revendique le droit de ne pas être dérangée ! Rester le regard fixé sur son écran pendant 20 minutes, immobile et concentrée, le mot sur le bout de la langue, se réjouir de l'avoir trouvé et se hâter de tapoter sur les touches du clavier pour terminer la phrase. Certains chapôs me demandent 8 heures de travail, de la collecte des informations au façonnage du texte. Je n'ai pas le sentiment d'avancer. "Allez, il me reste encore 37 chapôs...''


Pourquoi s'investir à ce point dans les textes ? Les mots permettent de faire voyager le lecteur, de décrire la splendeur d'un plat. Ils représentent un plaidoyer et moi, je me sens l'avocate de leur juste cause. Ce que je reproche à la plupart des livres de cuisine, c'est le manque de détails gourmands sur la recette. Est-ce fondant, croustillant, léger, fort en goût ? Si la photographie accroche le regard et permet de visualiser la présentation du plat, elle ne nous indique pas le type de viande à choisir ou le tour de main imparable pour le réussir. Autre point et pas des moindres, ces textes ont pour objectif de délivrer un vrai message écologique articulé sur les produits de saison, de qualité, locaux et faits maison. En démarchant les éditions Rustica, je voulais déjà proposer un livre qui donnerait les clés d'une alimentation saine, gourmande et responsable. J'avais conscience de cette difficulté mais de toute évidence, j'avais sous-estimé l'énergie qu'elle me demanderait.

Octobre 2008. Le printemps, l'été et l'automne sont bouclés, seul l'hiver n'est pas finalisé. Par chance, mon éditrice me laisse du temps supplémentaire. D'après elle, les jeunes auteurs livrent souvent en retard et par expérience, elle m'avait gardé quelques mois sous le coude. Merci Frédérique !

Janvier 2009. Le manuscrit est enfin livré, je suis épuisée physiquement et moralement. Lorsque mon entourage me demande ce que je ressens, je leur confie ceci : "C'est comme un accouchement. J'ai porté un bébé pendant des mois et là, je me sens délivrée, heureuse d'admirer son visage et triste de tourner la page de cette année passée à le couver".


Rédiger les annexes du livre

Le sommaire et l'index, c'est facile ! L'introduction, un peu moins, mais je suis encore dans le bain, les rouages de mon cerveau sont bien graissés, je suis heureuse de synthétiser l'esprit de mon livre dans ces deux pages. L'annexe qui m'a le plus émue, c'est bien entendu celle des remerciements. Je réalise que c'est la fin et le début de tout.

(à suivre, le stylisme culinaire et les photographies...)


Voir aussi

La Cuisine Campagne de Lilo, acte I : la genèse du livre
La Cuisine Campagne de Lilo, acte III : les photos et le stylisme culinaire