samedi 26 mai 2007
Roulés de dorade à la berce
Ninnie, tu as bien raison, la cuisine est intimement liée à nos rêves... Chaque soir lorsque je m'endors, je voyage dans un monde où tout n'est qu'insouciance, gourmandise et nature. C'est la cuisine que je pratique, celle qui me transporte même tard dans la nuit. Malgré les tracas de la vie courante, elle vient me rendre visite. Ce n'est pas moi qui la cherche, c'est elle qui me prend indéniablement la main. En cueillant ces jeunes pousses de berce, j'ai regretté que tu sois si loin de ma campagne. Nous nous sommes jamais vues mais je sais que si tu avais été là, tu aurais été émerveillée par la beauté de cette plante sauvage qui pousse dans les champs. Le grand jardin qui entoure ma maison n'a pas été tondu depuis le printemps, alors la nature a repris le dessus, indomptable et insolente. J'aurai pu faucher toutes ces grandes herbes afin d'avoir un grand terrain lisse et uniforme, sans mauvaises herbes. Seulement cette année, je voulais voir de quoi la nature était capable, j'attendais qu'elle explose, j'espérais qu'elle me montre son exubérance, sa folie, sa légèreté. Entre des centaines de cerfeuils penchants, de boutons d'or et de pâturin, des berces sont timidement sorties de terre. Les plus belles mesurent jusqu'à 2 mètres. En regardant le ciel, on peut admirer ses fleurs disposées en ombelles et les insectes lovés au creux de leurs étamines. Alors mon rêve, ce serait d'être l'un d'entre eux... J'y mangerai bien, j'y serai confortablement installée et je m'y endormirai en paix. Quelle étrange coïncidence de vouloir se faire lentement bercée par une plante qui porte ce nom ?
La berce est un légume très réputé chez les amateurs de plantes comestibles. Ce sont ses parfums de mandarine et de noix de coco qui m'ont poussé à la cuisiner avec un poisson. Une fois cuite, elle est tendre et juteuse comme le concombre ! J'ai réalisé un billet expliquant tous les aspects permettant de la reconnaître facilement. Il y a une certaine poésie dans la berce. L'élégance de ses fleurs dansant au vent, ses jeunes pousses duveteuses d'un vert éclatant, son goût si délicat et si unique m'ont séduit d'emblée.
Pour accompagner comme il se doit ce légume sauvage si noble, j'ai choisi de belles dorades que mon poissonnier a découpé en filet. A force de lire le blog de Patrick, le spécialiste de la cuisine de la mer, j'adopte de plus en plus une attitude de consommation responsable lorsque j'achète du poisson. Vous remarquerez que les poissonniers proposent de plus en plus des filets. Depuis quelques temps, je choisis uniquement des poissons entiers afin d'être certaine de leur fraîcheur. Le magazine Régal de ce mois-ci (n°17) explique d'ailleurs très bien les critères de reconnaissance d'un poisson frais.
Tout d'abord, il est rigide, c'est-à-dire que lorsqu'on le saisit par la queue, il reste horizontal. Il n'y a pas longtemps, une poissonnière de supermarché m'a tendu un bar qui faisait un bel arc de cercle. Je lui ai directement dit que je n'en voulais pas ! Elle a fait la moue mais n'a pas insisté comme cette vendeuse de reblochon... Entre parenthèses, elle me certifiait qu'il n'y avait pas de saison pour les poissons, je rêve. Pour les connaître, abonnez-vous à ma newsletter ! La peau du poisson doit être lisse, brillante et humide. Discrètement, je pose toujours mon index dessus. Je sais que cela ne se fait pas, mais c'est aussi une bonne façon de valider la fraîcheur du poisson. De plus, si la marque de votre doigt subsiste sur la chair, c'est plutôt mauvais signe. Et puis, vous pouvez inspecter les branchies qui doivent être rosées et non brunâtres. Alors ce qui est drôle, c'est qu'en choisissant un poisson entier, le vendeur vous dit très souvent : "J'ai des filets déjà tout prêts Madame !". Je sais que je n'ai pas besoin d'insister chez mon poissonnier (un peu de pub, la Sablaise, place Saint Bonnet à Bourges) : il se fait toujours un plaisir de me conseiller.
Pour la réalisation de la recette, c'est un jeu d'enfant pour un résultat bluffant. Après avoir bien nettoyé la peau des filets de dorade et m'être assurée qu'aucune écaille ne restait, je les ai enroulé autour de quelques tiges de berce préalablement blanchies. Il n'est pas nécessaire de maintenir les roulés avec un pic en bois, ils tiennent tout seul. Si l'expérience de la cueillette sauvage ne vous tente pas, vous pouvez très bien remplacer la berce par des asperges vertes. J'ai accompagné le poisson avec une crème de berce. Après avoir cuit les jeunes feuilles, je les ai égouttées, puis mixées avec de la crème fluide qui s'est alors teintée d'un joli vert. Au dernier moment, j'ai nappé les dorades de cette sauce très proche d'un lait de coco auquel on aurait ajouté des zestes d'agrumes. Cela vous étonne peut-être mais je peux vous garantir qu'en fermant les yeux, vous ressentirez sans aucun problème cette saveur exotique et sucrée. Quant au poisson, il était savoureux, tendre, fondant, d'une fraîcheur rare. J'ai volontairement laissé la peau car je trouve qu'elle donne un bon goût de noisettes et surtout car elle est très riche en oméga 3.
Voilà Ninnie, tu connais désormais la cuisine de mes rêves. Je puise mon inspiration culinaire dans la nature qui m'entoure, elle m'apporte tant. Se réveiller le matin, sortir dans le jardin avec mes chiens, les regarder fureter dans les herbes folles, se faire piquer les jambes par des orties, s'allonger par terre pour mieux sentir la terre et l'air, observer ce petit monde à la fois silencieux et agité, croquer dans une jeune pousse de berce en observant des coléoptères multicolores, revenir dans ma cuisine, préparer ma cueillette et la goûter avec cette incroyable sensation de bien-être, c'est ce que j'aime, c'est ma façon de cuisiner mes rêves.
Ingrédients pour 4 personnes
4 dorades moyennes - une vingtaine de jeunes pousses de berce - 20 cl de crème fluide - sel, poivre rose et huile d'olive - du riz
Temps de préparation : 45 minutes
Niveau : très facile
1. Epluchez les tiges de la berce et coupez-les en tronçons de 5 cm de long. Faites-les blanchir avec les jeunes feuilles dans une casserole d'eau bouillante salée durant 5 minutes. Egouttez.
2. Préchauffez votre four à 200°C. Retirez les quelques écailles que le poissonnier aurait pu laisser sur les filets de poisson. Otez les arrêtes.
3. Roulez les 8 filets autour de 3 ou 4 tiges de berce, arrosez d'huile d'olive, ajoutez du sel et enfournez pendant 15 minutes, pas plus. Le poisson sera ainsi cuit à point.
4. Pendant ce temps, faire cuire votre riz. Mixez les feuilles de berce cuites avec la crème fluide et versez-la dans une casserole. Faites chauffer lorsqu'il ne reste plus que 5 minutes de cuisson pour les dorades.
5. Disposez le riz en timbales dans les assiettes, ajoutez les deux roulés de dorade par personne et nappez avec la crème de berce. Ajoutez ici et là du poivre rose concassé mais pas trop. Décorez aves des feuilles et des fleurs de berce et servez sans attendre.
N.B. : Vous pouvez ajouter du citron si vous le souhaitez mais personnellement je n'en n'ajoute pas car je trouve que cela masque le goût de la berce.
Pour en savoir plus sur la berce, c'est ici !
Avant de cueillir toute plante sauvage, merci de lire ce billet
Commentaires
Je n'arrive pas à trouver les mots justes pour décrire ce que je ressent aprés t'avoir lu, les mots sont si beau, ils expriment tellement bien la nature, la beauté, les bonnes choses... Les photos sont superbes je n'ai qu'une envie y goûter. BRAVO ET MERCI POUR CE MOMENT DE PLAISIR.
— vivie, le 26 mai 2007 à 15:39En te lisant on se prend à rêver avec toi!
— Choupette, le 26 mai 2007 à 16:35oui tu nous décomplexes toutes!!
— cocotte, le 26 mai 2007 à 16:41Je me retrouve beaucoup dans ce que tu décris si bien. J'ai les mêmes rêves et j'adore la beauté et pureté de la campagne pour cela. Très jolie recette
— bea at La tartine gourmande, le 26 mai 2007 à 16:42Vraiment merveilleux
— marie flo, le 26 mai 2007 à 17:18C'est magnifique Lilo
— Marie, le 26 mai 2007 à 18:57Oups, j'ai réclamé trop vite, la voici la recette... Très beau billet et j'aime ce que Ninnie avait appelé, je m'en souviens bien, "cuisiner ses rêves", une très belle idée... J'aimerais rêver plus souvent en cuisine, cela m'arrive mais on est souvent ratrappé par le quotidien.
— Tiuscha, le 26 mai 2007 à 18:59Formidable !
— Eleonora, le 26 mai 2007 à 21:09Bon la prochaine fois que je vais à la campagne j'en cherche, d'après toi ça se conserve au frigo, ça résiste à un voyage en train ? Lorsque tu dis loin des zones cultivées, ça veut dire 50m, 100m, plus ?
Merci et à bientôt !!
Je ne connaissais absolument pas cette plante ! Merci pour cette découverte !
— Fabienne, le 26 mai 2007 à 21:20Pardon ma question est posée un peu rapidement, je voulais dire, tu conseilles de cueillir des plantes en général loin des zones cultivées... je me demandais "combien" loin... :-)
— Eleonora, le 26 mai 2007 à 22:15Une fois encore, fabuleux ! on se prend à réver pour un voyage non pas lointain mais chez dame NATURE si belle, si riche par la diversité de ses plantes, insectes, oiseaux ect...La berce est très élégante et j'ignorais vraiment qu'elle aurait pu prendre place dans nos assiettes : MERCI LILO !et bravo
— NIC, le 26 mai 2007 à 23:51Encore une belle découverte en venant sur ton blog... je ne connaissais pas la berce! La campagne est pleine de trésors...
— Chris, le 27 mai 2007 à 00:01Tes roulés de dorade doivent être délicieusement parfumés!
Quel voyage quand on passe le pas de ta cuisine....un autre monde! MErci pour toutes ces infos et ce merveilleux post, cela à juste l'air divin...et je retourne rêver un peu ;-)
— Claude-Olivier, le 27 mai 2007 à 09:26Bon dimanche
Claude
C'est une découverte pour moi. Merci pour ce billet très iontéressant et riche.
— Minouchka, le 27 mai 2007 à 11:33PS : j'adore ta nouvelle bannière, ça me fait évader le temps d'une lecture sur ton blog.
En te lisant aujourd'hui, je me sens choyée de te connaître. Ton billet me fait l'effet d'un cadeau, que je lis et relis sans cesse. Je me souvenais de ton commentaire sur mon billet, et je suis ravie de voir que tu as aussi, pour l'occasion et peut-être sans t'en rendre compte, cuisiner un poisson blanc, comme je l'avais fait pour illustrer mes rêves.
— Ninnie, le 27 mai 2007 à 13:09Puis, je n'ai pratiquement pas besoin d'être réellement dans ta campagne pour ressentir l'émerveillement qu'aurait pu me procurer cette plante sauvage. Tu sais décrire la cuisine de tes rêves à merveille. J'arrive très bien à me l'imaginer.
Aussi, la mandarine et la noix de coco figurent parmi les parfums que je préfère. Cette plante et ta recette présentent donc à mes yeux un aspect tout à fait irrésistible.
Merci Lilo pour ce très beau voyage dans ton imaginaire.
Quelle sublime recette!!! Un poisson délicieux et laberce que tu me donnes très envie de découvrir....je rêve!
— mayacook, le 27 mai 2007 à 13:18Foi de spécialste (!), c'est une très belle recette et toujours racontée comme j'aime. Je ne savais pas que la berce se consomme, comme quoi je ne te lis pas assez, je me contentais de trouver que c'est une plante magnifique (le ciel regardé par en dessous la fleur, comme Alexandre)
— Patrick CdM, le 27 mai 2007 à 13:25J'ai aussi ce numéro de Régal, c'est rare pourtant que j'achète un magazine de cuisine, et j'ai trouvé bien fait leur dossier sur le poisson, et bien aimé qu'il présentent des recettes de poissons souvent délaissés. Par contre, leur test sur les poissons d'élevage vs les poissons sauvages, est très loin de me convaincre!
Je découvre, je m'infome, je m'émerveille... Encore merci Lilo pour ce beau et délicieux moment.
— Sophie, le 27 mai 2007 à 16:44Je connais la berce mais je n'en ai jamais mangé. Tu me donnes envie de me replonger dans les livres de Couplan. Quelle super recette ! Je vais aller scruter les bois autour de chez nous voir si je peux en trouver. En ce moment, chez nous c'est plutôt les girolles qui y poussent.
— Sandra, le 27 mai 2007 à 18:34Incroyable ce site... J'ai commencé à vous lire ce soir après mangé et je n'ai pas décroché de la soirée. Tout est si bucolique, si plaisant. Je surfe sur les blogs depuis quelques temps mais là je dois dire que vous m'épatez ! Quel est votre secret ? La bonne nourriture et la campagne bien sûr !
— JPascal, le 28 mai 2007 à 01:25je reste bouche bée devant la beauté de tes photos
— salwa, le 28 mai 2007 à 09:41Je sors de chez toi , nimbée de sérénité ....tu as un " charisme spécial " que je sens même là !
— irisa, le 28 mai 2007 à 13:10Que c'est beau..! Tout..Tout..Tout!!! Le texte, les photos,la recette...! J'adorerais faire une petite balade avec toi dans cette belle campagne . C'est superbe lilo...!
— Marie-pierre, le 28 mai 2007 à 13:57Pour le poisson, j'aime moyen mais je dévore tes photos! Merci :)
— Marie, Paris, le 28 mai 2007 à 14:37je ne connais ton blog que depuis la semaine prochaine par pur hasard (je cherchais pour tout dire des recettes de trifle), mais depuis, tous les matins je n'ai qu'une hâte aller voir ce que tu as préparé de si succulent afin de revêr garce à tes photos, ta prose et tes recettes.
— christine, le 28 mai 2007 à 15:58Tout est parfait, continue et amuse toi bien.
Tes photos me laissent rêveuse... Bien joué ! J'ai beaucoup aimé ta comparaison avec l'insecte qui se fait bercer par cette plante. J'ai goûté la berce une fois chez Veyrat, j'avais trouvé cela étonnemment bon. Avec de la dorade hummm...
— Sylvie, le 28 mai 2007 à 17:57Un grand merci à vos nombreux commentaires, je n'aurai pas cru que cette recette aurait autant d'écho. La cuisine sauvage est tellement ciblée ! Pour te répondre Eleonora, oui il faut éviter les bords de route fréquentés. Mêmes les départementales... Les toutes petites routes communales, je le fais, car je connais bien mes coins;) De toute façon, tu peux trouver de la berce dans de grands champs isolés assez loin des cultures. Il ne faut pas les cueillir tout à côté, c'est certain.
— Lilo, le 28 mai 2007 à 21:49Très beau billet, magnifiquement écrit et plein d'enseignements...
— Foodie Froggy, le 29 mai 2007 à 11:11Quelle poésie se dégage de ton texte, j'ai l'impression de remonter d'une heure au potager ! Merci Lilo
— Karine, le 29 mai 2007 à 20:29J'ai de plus en plus envie d'avoie des fleurs dans mon assiette :) Voilà une recette vraiment originale et très tentante.
— Lilie, le 1 juin 2007 à 14:51En te lisant, la seule pensée qui me venait était : "comment avec des choses simples atteindre le sublime".
— Tit', le 5 juin 2007 à 17:16En regardant cette recette j'ai rêvé à ces roulés, et grâce à toi j'ai su comment les manger.
— Lyra, le 27 juin 2008 à 14:01Cette recette est excellente, il n'y a plus qu'à la tester!
Désolée d'avoir rimé, mais c'est ma façon de te dire mes pensées!
Quel magnifique blog!
— chantal serrière, le 20 mai 2009 à 18:31