Etait-ce possible ? Je constatais émerveillée qu' un tapis de violettes odorantes m'entourait de part et d'autre... Comme une invitation empreinte de timidité, elles m'offraient tout leur être : parfum, couleur, beauté, sensibilité. Complètement transcendée par cette rencontre inattendue, je restai immobile et silencieuse. Au cours de cette balade champêtre, je ne savais pas ce que je cherchais. Indéniablement, j'ai trouvé un petit coin de paradis loin de tout, intime, secret et authentique. Béate et déjà saoule des parfums enivrants des violettes, j'inspectai la zone en marchant sur la pointe des pieds. Un peu plus loin, je découvris d'autres spécimens en hauteur d'un fossé. Je sortis de mon sac un mouchoir en papier et cueillis les fleurs pourpres, prune, parme, parfois blanches.


                    


Je poursuivis ma route un peu plus loin vers le ruisseau pour humecter mon petit ballot de violettes. Soucieuse de ne pas les échauffer, je disposai un bout de bois au niveau du nœud. Il faut comprendre que je tenais entre mes mains des améthystes éphémères, je voulais simplement les préserver dans cet écrin de fortune. En retraversant la clairière, c'était le sifflement de l'alouette des champs qui m'accompagnait. Je ne pouvais pas voir où se situait l'oiseau, il était forcément caché dans les herbes hautes. Le soleil était au zénith et me forçait à froncer les sourcils. En repassant par la barrière, je m'écorchai le bras mais qu'importe, je tenais un Saint-Graal.


  


De retour à la maison, je flottais sur un petit nuage. J'avais eu le temps de réfléchir à la façon dont j'allais préparer ces violettes. Après les avoir délicatement passées de main à main pour retirer les petits insectes logés au creux des pétales, je sélectionnai les plus belles pour les cristalliser avec du blanc d'œuf et du sucre. Elles séchèrent toute l'après-midi au soleil. Pour les autres, j'avais en tête de réaliser une panna cotta. Alors que je plongeais de nouveau mon nez dans le bouquet de violettes, j'eus un moment d'arrêt. J'étais pétrifiée car pour moi la pire chose survenait : elles avaient perdu toute leur odeur. J'avais beau sentir et ressentir, plus rien ne se dégageaient de ces fleurs. L'émotion de la cueillette laissa subitement place à une déception incroyable et un sentiment de culpabilité. J'essayais de voir le bon côté des choses, je me remémorai ce moment de bonheur champêtre quelques heures auparavant. Seulement, je ne pouvais me résoudre à cela.


  


Alors j'ai cherché dans mes ouvrages tout ce que je pouvais trouver sur la violette et surtout la volatilité de ses parfums. Enfin, la réponse à mon interrogation calma immédiatement mes angoisses. La substance volatile caractérisant son odeur, l'ionone, a l'étrange pouvoir d'anesthésier les nerfs olfactifs. Comme une punition pour celui ou celle qui s'enivrerait trop de son essence, la violette coupe court à cette relation fusionnelle. Quelques heures après, je rentrai dans la cuisine et entrouvris le mouchoir contenant les violettes. Mon nez avait eu le temps de retrouver ses ardeurs, les violettes se laissèrent de nouveau apprivoiser !

J'ai fait bouillir un peu de lait d'amande, de la crème de soja, du sucre roux et immergé les fleurs dans ce mélange. Une assiette recouverte sur la casserole pour laisser infuser jusqu'à complet refroidissement, l'étape la plus délicate était terminée. Après avoir filtré la crème, j'ai ajouté de l'agar-agar pour obtenir la tenue souple de la panna cotta. Les mesures sont celles recommandées par Cléa dans son livre. Pour accompagner la violette, j'ai utilisé des myrtilles que j'avais récolté en juillet dernier et congelé. Je ne m'attendais pas à ce que le mélange soit aussi subtil. La texture de la crème est si fondante, si douce et la senteur de la violette si présente que le temps d'une bouchée, je me revoyais dans cet endroit mystérieux. Il faut le vivre pour me croire, mais il ne tient qu'à vous de vous perdre un jour en campagne, de vous laisser aller et de succomber au plaisir d'une nature gourmande et tellement généreuse.


Ingrédients pour deux personnes
125 ml de lait d'amandes (ou de vache) - 125 ml de crème liquide (entière, de soja...) - 120 g de sucre de canne blond - 1 bonne poignée de violettes - 1 gramme d'agar-agar - 150 g de myrtilles - quelques violettes cristallisées
Temps de préparation : 15 min
Niveau : facile

1. Dans une casserole, mélangez le lait, la crème et 70 g de sucre, portez doucement à frémissements. Éteignez le feu, plongez immédiatement les violettes et couvrez. Laissez infuser jusqu'à ce que le mélange soit tempéré.

2. Filtrez la préparation et pressez légèrement sur les violettes. Ajoutez l'agar-agar à la crème filtrée et portez doucement à ébullition environ 30 secondes, pas plus.

3. Versez de l'eau froide dans les deux moules et jetez-la. Comme le précise Cléa, ce système facilite le démoulage. Faites doucement couler la crème à la violette dans les moules et réservez au réfrigérateur au moins deux heures.

4. Faites doucement réduire les myrtilles avec les 50 g de sucre restant et un peu d'eau.

5. Démoulez les panna cotta dans une assiette, nappez-les avec la compotée de myrtilles et décorez avec des violettes cristallisées.


                   


En savoir plus sur la violette odorante, c'est ici!
Avant de cueillir toute plante sauvage, merci de lire ce billet