vendredi 30 mars 2007
Panna cotta à la violette et à la myrtille
Quelques jours après le début du printemps, quelque part dans les terres berrichonnes.
Lorsque j'ouvris les volets de la ma chambre, je fus aveuglée par un soleil radieux. Je soupirai, sourire au coin des lèvres. Le programme de la matinée était déjà tout trouvé : flâner dans ma campagne. J'explore très souvent des chemins perdus, cachés derrière les haies et les talus. Ces paysages si caractéristiques de ma région ne sont pas aussi grandioses que les côtes rocheuses de Bretagne ou les montagnes des Alpes, mais je les sens ancrés en moi. Ce sont mes racines, c'est là que je suis née et que j'ai grandi. Dans ce plat pays teinté de vert sombre et clair, composé de mosaïques de champs multicolores, l'écosystème semble intact. Au détour d'un virage, j'aperçus une immense clairière légèrement vallonnée et recouverte de pissenlits. A croire qu'un peintre divin aurait laisser tomber des milliers de gouttes de peinture jaune flamboyant sur ce tapis de verdure.
Je courbai mon dos pour contourner les fils barbelés de la barrière et m'aventurai dans cette mer végétale. Je foulais le sol comme une baigneuse avançant vers le large. Il était 11h00 du matin et le reflet du soleil sur l'herbe grasse m'éblouissait. Je me dirigeai de manière hasardeuse vers le bois que je distinguais au loin. J'étais l'unique spectatrice du ballet des abeilles qui virevoltaient allégrement autour de moi. Leur envol dessinait des courbes furtives et sonores à mon passage et je sentais à chaque instant leur effervescence, leur joie de vivre. Je ne savais pas ce que je cherchais dans ce bois, peut-être un moment de solitude au milieu de nulle part. Après avoir dépassé la clairière, l'entrée d'un chemin ombragé se profilait. Changement d'environnement, seul le bruit de mes pas fauchant les feuilles mortes était perceptible. Quelques minutes auparavant, j'aurai juré entendre le sifflement des oiseaux. Après quelques secondes d'écoute, je perçus au loin les murmures aquatiques d'un ruisseau. En marchant dans ce petit sous-bois, je vis un tronc d'arbre qui jonchait au sol. Il était recouvert d'une épaisse mousse duveteuse. Qui s'était déjà assis sur ce banc naturel ? Plongée dans mes rêveries, je me fis la réflexion que ce paysage était atemporel. Aucune trace de l'homme. Et puis comme par magie, je fus interpellée par une soudaine vague de douceur...
Etait-ce possible ? Je constatais émerveillée qu' un tapis de violettes odorantes m'entourait de part et d'autre... Comme une invitation empreinte de timidité, elles m'offraient tout leur être : parfum, couleur, beauté, sensibilité. Complètement transcendée par cette rencontre inattendue, je restai immobile et silencieuse. Au cours de cette balade champêtre, je ne savais pas ce que je cherchais. Indéniablement, j'ai trouvé un petit coin de paradis loin de tout, intime, secret et authentique. Béate et déjà saoule des parfums enivrants des violettes, j'inspectai la zone en marchant sur la pointe des pieds. Un peu plus loin, je découvris d'autres spécimens en hauteur d'un fossé. Je sortis de mon sac un mouchoir en papier et cueillis les fleurs pourpres, prune, parme, parfois blanches.
Je poursuivis ma route un peu plus loin vers le ruisseau pour humecter mon petit ballot de violettes. Soucieuse de ne pas les échauffer, je disposai un bout de bois au niveau du nœud. Il faut comprendre que je tenais entre mes mains des améthystes éphémères, je voulais simplement les préserver dans cet écrin de fortune. En retraversant la clairière, c'était le sifflement de l'alouette des champs qui m'accompagnait. Je ne pouvais pas voir où se situait l'oiseau, il était forcément caché dans les herbes hautes. Le soleil était au zénith et me forçait à froncer les sourcils. En repassant par la barrière, je m'écorchai le bras mais qu'importe, je tenais un Saint-Graal.
De retour à la maison, je flottais sur un petit nuage. J'avais eu le temps de réfléchir à la façon dont j'allais préparer ces violettes. Après les avoir délicatement passées de main à main pour retirer les petits insectes logés au creux des pétales, je sélectionnai les plus belles pour les cristalliser avec du blanc d'œuf et du sucre. Elles séchèrent toute l'après-midi au soleil. Pour les autres, j'avais en tête de réaliser une panna cotta. Alors que je plongeais de nouveau mon nez dans le bouquet de violettes, j'eus un moment d'arrêt. J'étais pétrifiée car pour moi la pire chose survenait : elles avaient perdu toute leur odeur. J'avais beau sentir et ressentir, plus rien ne se dégageaient de ces fleurs. L'émotion de la cueillette laissa subitement place à une déception incroyable et un sentiment de culpabilité. J'essayais de voir le bon côté des choses, je me remémorai ce moment de bonheur champêtre quelques heures auparavant. Seulement, je ne pouvais me résoudre à cela.
Alors j'ai cherché dans mes ouvrages tout ce que je pouvais trouver sur la violette et surtout la volatilité de ses parfums. Enfin, la réponse à mon interrogation calma immédiatement mes angoisses. La substance volatile caractérisant son odeur, l'ionone, a l'étrange pouvoir d'anesthésier les nerfs olfactifs. Comme une punition pour celui ou celle qui s'enivrerait trop de son essence, la violette coupe court à cette relation fusionnelle. Quelques heures après, je rentrai dans la cuisine et entrouvris le mouchoir contenant les violettes. Mon nez avait eu le temps de retrouver ses ardeurs, les violettes se laissèrent de nouveau apprivoiser !
J'ai fait bouillir un peu de lait d'amande, de la crème de soja, du sucre roux et immergé les fleurs dans ce mélange. Une assiette recouverte sur la casserole pour laisser infuser jusqu'à complet refroidissement, l'étape la plus délicate était terminée. Après avoir filtré la crème, j'ai ajouté de l'agar-agar pour obtenir la tenue souple de la panna cotta. Les mesures sont celles recommandées par Cléa dans son livre. Pour accompagner la violette, j'ai utilisé des myrtilles que j'avais récolté en juillet dernier et congelé. Je ne m'attendais pas à ce que le mélange soit aussi subtil. La texture de la crème est si fondante, si douce et la senteur de la violette si présente que le temps d'une bouchée, je me revoyais dans cet endroit mystérieux. Il faut le vivre pour me croire, mais il ne tient qu'à vous de vous perdre un jour en campagne, de vous laisser aller et de succomber au plaisir d'une nature gourmande et tellement généreuse.
Ingrédients pour deux personnes
125 ml de lait d'amandes (ou de vache) - 125 ml de crème liquide (entière, de soja...) - 120 g de sucre de canne blond - 1 bonne poignée de violettes - 1 gramme d'agar-agar - 150 g de myrtilles - quelques violettes cristallisées
Temps de préparation : 15 min
Niveau : facile
1. Dans une casserole, mélangez le lait, la crème et 70 g de sucre, portez doucement à frémissements. Éteignez le feu, plongez immédiatement les violettes et couvrez. Laissez infuser jusqu'à ce que le mélange soit tempéré.
2. Filtrez la préparation et pressez légèrement sur les violettes. Ajoutez l'agar-agar à la crème filtrée et portez doucement à ébullition environ 30 secondes, pas plus.
3. Versez de l'eau froide dans les deux moules et jetez-la. Comme le précise Cléa, ce système facilite le démoulage. Faites doucement couler la crème à la violette dans les moules et réservez au réfrigérateur au moins deux heures.
4. Faites doucement réduire les myrtilles avec les 50 g de sucre restant et un peu d'eau.
5. Démoulez les panna cotta dans une assiette, nappez-les avec la compotée de myrtilles et décorez avec des violettes cristallisées.
En savoir plus sur la violette odorante, c'est ici!
Avant de cueillir toute plante sauvage, merci de lire ce billet
Commentaires
Quelle recette tout en douceur. J'envie les longues randonnées que tu apprécies tant, moi toute urbaine que je suis, mais en te lisant, particulièrement aujourd'hui, j'ai l'impression d'y être. Ton talent pour l'écriture me console. Merci.
— Ninnie, le 31 mars 2007 à 03:46Ah là là, cette panna cotta est magnifique et une bonne promenade berrichone au petit matin me ferait très très envie...
— kitchenette, le 31 mars 2007 à 08:05Tu habites où?
— Lisanka, le 31 mars 2007 à 08:16Je suis grande amatrice de myrtilles donc tu ne peux pas t'imaginer comme ta recette me plait. Et la violette, ça me rappelle les petits bonbons que je mangeais enfant. Merci pour cette escapade pleine de douceur!
c'est rigolo, j'ai préparé ce matin des blanc-manger au sirop de violette et cassis... c'est de saison remarque. je publie la recette demain. J'adore ton idée avec de la myrtille aussi.
— marie, le 31 mars 2007 à 08:37Quelle poésie de bon matin. Merci Lilo pour cette ballade au pays des rêves et de la réalité (non, tu n'as pas rêvé ces jolies violettes étaient bien là !).
— Sophie, le 31 mars 2007 à 08:57J'ai cheminé à tes côtés et ressentit tous ces parfums et émotions, je ne savais pas du tout que les violettes, par leur parfum anesthésiaient les nerfs olfactifs. Merci pour cette promenade toute en douceur et ce dessert qui ne l'est pas moins.
— Choupette, le 31 mars 2007 à 08:58Ta panacotta est sublime ,j'adore la violette son parfum est tellement envoûtant !
— madjy, le 31 mars 2007 à 10:00Ton texte est magnifique, plein de poésie ...
— Bebop, le 31 mars 2007 à 10:13Grâce à toi, j'ai fait une superbe ballade virtuelle,
merci beaucoup pour ce merveilleux moment!
J'ai fait un test samedi dernier pour des panacottas avec de la gelée de violette mélangée à de la liqueur de violette. c'était un plantage. Sans gout. Les tiennes doivent être bien meilleures
— Cocopassions, le 31 mars 2007 à 11:35C'est superbe! La recette donne une vraie impression de douceur, mêlée à ton article poétique. Je suis sous le charme!
— $ha, le 31 mars 2007 à 11:59Que c'est beauuuuuuuu
— Jess, le 31 mars 2007 à 13:05J'adore tes photos !
— salwa, le 31 mars 2007 à 13:21J'ai eu l'impression de m'être promenée avec toi.... j'y étais......
— Clairechen, le 31 mars 2007 à 14:01Ta panna cotta me tente beaucoup malheureusement je n'aime pas la violette... Le goût m'écoeure... Pour moi ce sera juste la panna cotta à la myrtille.
Trop beau !!! Les photos sont superbes, tout est splendide, un grand bravo
— Claude-Olivier, le 31 mars 2007 à 14:32Bon week-end
Claude
oh lala comme ce post est délicat que ce coin de campagne est beau..peut tu me dire comment cristalliser les violettes.
— monique/E, le 31 mars 2007 à 16:33merci pour ce petit non grand moment de ballade champêtre
j'ai une requete a formuler serais t'il possible que les recettes soit suvie par un lien vers impression en pdf .c'est harchis compliquer a prendre sur le post la recette pour la garder au chaud
— monique/E, le 31 mars 2007 à 16:35Je capote. C'est tellement beau.
— Tarzile, le 31 mars 2007 à 19:56ah la la!!
— seve, le 31 mars 2007 à 20:00ça doit être un délice. Moi qui adore les myrtilles,j'imagine deja la saveur de ce dessert!!
Il est des saveurs qui annoncent le retour de la belle saison et qui nous rappellent l'été pointant son nez à son tour dans quelques semaines. La violette est de ces saveurs. Quelle classe ta recette !
— Tit', le 31 mars 2007 à 20:19Quelles couleurs, j'adore!
— peggy, le 1 avril 2007 à 08:04Raaa à chaque fois que je viens sur ton blog, je repars avec la faim au ventre :o)
— Bére, le 1 avril 2007 à 14:47Il est vraiment chouette ce dessert, tout comme je les aime ;o)
Ton article est très sympa de même que cette recette me plait énormément (cela dit j'adore à peu près tous ce qui contient de la violette ou des myrtilles alors j'étais convaincu d'avance). Mais je trouve aussi que tous ce que tu dis à propos des violettes est très intéressant.
— Dame de Lotus, le 1 avril 2007 à 16:19Merci pour ce superbe article.
Delphine
Ton post est parfait pour mon retour de week-end à... la campagne !
— Clea, le 1 avril 2007 à 16:54Quelle promenade buccolique ! comme à l'habitude, photos superbes et recette alléchante mais, pour cette année, les violettes sont passées....et encore faut-il trouver "le nid" de violettes odorantes!
— NIC, le 1 avril 2007 à 18:47Magnifique ballade... C'est difficile de lire ce billet un lundi matin, de retour au travail, après un week-end... pas très loin de chez toi !
— Audinette, le 2 avril 2007 à 07:56quel texte... une belle évasion pour moi de te lire ce lundi matin. Je respire un grand coup et j'ai enfin le courage de me mettre au travail!
— alhya, le 2 avril 2007 à 09:17Quelle poete tu fais la. Les violettes, j'en ai au jardin, des toutes petites, je ne les cueille pas, je me contente de les regarder. Mais la, sur ton dessert, elles sont tellement jolies.
— gracianne, le 2 avril 2007 à 16:31Quelle belle recette!
— marie flo, le 2 avril 2007 à 20:18Que du bonheur ! on perçoit dans ces doux messages, la tendresse et l'amour des petits rien... et tant d'autres choses...
— Christou, le 3 avril 2007 à 15:59Tu devrais être subventionnée par la sécurité sociale !
Merci
Une vraie pannacotta de fée des champs !!! ;)
— Charline, le 4 avril 2007 à 11:57J'ai découvert cette propriété de l'odeur des violettes depuis petite, un de mes jeux préférés, c'est d'en cueillir une et de la sentir jusqu'à n'en plus pouvoir et que ça ne sente plus, attendre un peu, et recommencer à m'enivrer de son parfum...
Ces photos sont tout simplement sublimes !
— La Châtaigne, le 6 avril 2007 à 18:52Je suis épatée, je ne pensais pas qu'on pouvais utiliser directement des fleurs de violette pour des préparation (bécasse que je suis !). Tu crois qu'on en trouve encore ?
— Véro, le 12 avril 2007 à 17:26Si ce n'est pas indiscret, je peux savoir quel est ton petit coin de berry ?
Merci à tous ;) Véro, je pense que la saison des violettes est presque terminée, en tout cas chez moi. Je sais que dans le sud de la France, il n'y en a plus. Sinon j'habite entre Bourges et Sancerre, au coeur des pommiers et des vignobles, voilà ;)
— Lilo, le 12 avril 2007 à 18:04je vais quand même aller voir dans les chemins juste au cas où...
— Véro, le 12 avril 2007 à 23:19Je demandais où dans le berry parce que je suis aussi un peu berrichonne et en plus je suis pas très loin de chez toi puisque je suis à Montluçon
Transformée et testée hier ! un régal ! elle a fait l'unanimité. Chacun l'a trouvé douce, étonnante et raffinée !
— ariane, le 27 août 2007 à 12:36merci
Cette recette est merveilleuse!
— aleka, le 28 février 2008 à 11:57Est-ce-que je peux démander si la crème liquide de soie (pour une recette vegan) est celle à monter pour patisserie ou simplement celle pour cuisiner (qui ne monte pas)?
Merci beaucoup!
Oh lala , ton article et si sympatique une oeuvre poétique et ta recette me fait rappeler aux infusions que ma grand mère preparait quand j'avais la gripe. Les violettes sont mes fleurs préférées et je les ai dans mon petit jardin.
— Santina, le 14 mars 2008 à 02:57bonjour… j'adore ton site !
— Alfafa, le 1 octobre 2008 à 17:43je me suis permis de le nommer et de le mettre en lien sur mon blog (débutant)
les photos et les recettes sont magnifiquement… délicieuses !
à bientôt
alfafa
J'ai fait hier du sucre de violette c'est délicieux, je voudrais faire des violettes cristllisées mais je ne retrouve plus la recette, je pensais qu'elle était avec celle de la pana cotta.
— margot, le 3 mars 2009 à 16:20Pouvez-vous me dire à quelle page du site elle est?
merci beaucoup
Salut à tous,j'habite la suisse et je suis comptante d'avoir trouvée cet recette. Je l'ai faite tout aux myrtilles que nous avons ceuillis hier toute la journnée.Se soir viendra le verdicte si oui ou non je refait cette recette.tchao
— Hafi, le 17 août 2009 à 17:49